Économie de marché et croissance

Pour que la Terre reste un monde vivable pour les générations futures. - focus 4
Le marché stimule l’innovation et la création de valeur et a permis au niveau de vie de l’humanité d’augmenter considérablement ces deux derniers siècles. La très grande majorité des pays a d'ailleurs adopté l’économie de marché -même ceux politiquement illibéraux ou dictatoriaux et donc a priori peu enclins à accorder la liberté économique. Le prix Nobel Jean Tirole, en marge du "Sommet du Bien commun" organisé avec Challenges, pousse un cri d'alarme sur les "très graves défaillances de l'économie de marché".
https://www.challenges.fr/common-good-summit/jean-tirole-il-faut-sauver-le-bien-commun_766188

« Les défaillances de l’économie de marché sont nombreuses, notamment de l’inégalité des chances à la destruction de notre environnement, des comportements anti-concurrentiels aux atteintes à notre vie privée, des crises économiques aux faillites bancaires … Bien que la plupart de ces défaillances ne soient pas spécifiques à l’économie de marché (pensons aux régimes communistes du 20e siècle), elles sont très graves et il est essentiel d’y pallier. » Jean Tirole
Le débat sur la croissance économique
La crise écologique a engendré un débat intense opposant les défenseurs de la décroissance à ceux prônant la post-croissance ou la croissance verte. Au sein du monde écologiste, différents camps s'affrontent sur les priorités à privilégier, les politiques à mettre en œuvre et les transformations nécessaires pour répondre à cette crise globale.
- Pour les uns, la baisse du PIB est une condition nécessaire à la préservation de l'environnement, et doit donc être poursuivie comme un but en soi.
- D'autres - bien plus nombreux - considèrent que croissance économique et préservation de l'environnement sont compatibles, et doivent l'être.
Qui dit vrai ?
Réponse dans un Post de Jean-Marc Jancovici. Ce document est aussi à télécharger :
Un idéal de croissance zéro a été exprimé en fin des Golden Sixties (ou « Trente Glorieuses américaines ») sur la base de la limite des ressources naturelles. Il est réapparu, vingt ans après, sur la base de la pollution, et notamment du danger d'un changement climatique lié aux gaz à effet de serre.
Les différents courants :
- La Décroissance
- L'Effondrement
- La Croissance Durable
- La Post-Croissance (à distinguer de la « croissance zéro »)
- La Croissance Technosolutionnisme
Ces différents courants émergent en réaction aux limites de l'économie industrielle classique et proposent des alternatives face aux défis écologiques et sociaux contemporains. Chaque mouvement trouve ses racines dans des contextes socio-économiques et écologiques spécifiques :

Les différentes entre croissance zéro et post-croissance ?

[moins de croissance, - de technologies, - de marchés] : une décroissance volontaire pour réduire la consommation et la production.
1 - La Décroissance : La décroissance est un mouvement qui encourage une réduction volontaire de la production et de la consommation pour limiter l'empreinte écologique, réduire les inégalités sociales et promouvoir un mode de vie plus durable. Ses défenseurs considèrent qu'une croissance économique infinie est incompatible avec les limites des ressources de la planète et nuit à son équilibre. Ils proposent une réduction de la consommation de biens matériels, une transition vers des économies locales, et une réduction du temps de travail pour améliorer la qualité de vie.
L'avis de Philippe Bihouix, ingénieur, et de Timothée Parrique, économiste :
« Entre produire plus et polluer moins, il va falloir choisir. Si une voiture fonce à pleine vitesse vers un mur, le premier réflexe est de freiner avant de comprendre ce qui nous a menés au risque d’accident. La situation est similaire : il faut d’abord freiner l’économie (produire et consommer moins) pour avoir un effet réel et rapide sur l’empreinte écologique. Il faudra aussi réformer le PIB et les autres indicateurs de performance économique afin d’éviter d’autres accidents dans le futur. »

« Il est plus facile d’envisager la fin du monde que la fin de la croissance. On a du mal à envisager la décroissance, car ce n’est pas un processus naturel dans notre modèle de pensée. » Timothée Parrique est économiste, auteur de Ralentir ou périr, l’économie de la décroissance (Seuil, 2022).
[croissance, technologies, marchés, c'est bientôt fini ?] : une décroissance brutale à la fois involontaire et inévitable.
2 - L'Effondrement : L'effondrement désigne l'idée selon laquelle le réchauffement climatique et d'autres pressions environnementales pourraient entraîner la désagrégation de notre société. Certains experts et penseurs craignent que ces enjeux deviennent incontrôlables, provoquant des crises économiques, sociales et politiques de grande ampleur. Ils se basent sur des données du GIEC, de l'IPBES, de l'OMM et sur des études publiées dans des revues scientifiques telles que Nature et Science. Cette hypothèse alimente également des discussions sur les mesures à prendre pour éviter ou limiter un tel scénario.
Biodiversité en déclin, réchauffement climatique, pénurie de ressources : tous les indicateurs sont au rouge. Cela a donné naissance à un courant de pensée : la collapsologie. Pour les collapsologues, et en particulier Yves Cochet, notre civilisation industrielle se dirige droit vers la catastrophe. Les prochaines décennies seront marquées par une succession de crises mondiales sans précédent et une baisse significative de notre niveau de vie. Selon eux, la décroissance sera à la fois involontaire et inévitable. En fin de compte, l'effondrement entraînerait la destruction des structures matérielles de la société, notamment le système industriel productiviste et ses chaînes logistiques mondialisées.

Ils sont de plus en plus nombreux, souvent alimentés par les nombreuses théories du complot, les collapsologues, ce sont ces personnes qui croient en la théorie de l'effondrement global et systémique de la civilisation industrielle, considéré comme inéluctable.
[croissance, technologies, marchés] : le pari de la croissance durable.
3 - La Croissance Durable : La croissance durable vise à concilier développement économique, protection de l'environnement et bien-être social à long terme. Elle repose sur des pratiques économiques respectueuses de l'environnement et bénéfiques pour la société, soutenues par des politiques, réglementations et investissements dans des technologies durables. La croissance verte s'inscrit dans cette logique, en contribuant à maintenir un équilibre entre ces trois dimensions fondamentales.
Le livre L'effondrement du monde n'aura probablement pas lieu de Antoine Buéno examine les scénarios possibles d'une catastrophe écologique, tels que le réchauffement climatique, la raréfaction des ressources, la crise alimentaire et le stress hydrique. L'auteur se positionne entre les collapsologues, qui prédisent un effondrement inévitable, et les techno-optimistes, qui croient en la capacité de la technologie à résoudre ces problèmes.
Antoine Bueno rejette la décroissance comme solution pérenne, soulignant que la croissance économique a permis d'améliorer le niveau de vie de l'humanité. Nous mesurons aujourd'hui les méfaits d'une croissance simplement ralentie. L'emploi s'étiole, les investissements ralentissent. Selon lui, une décroissance volontaire n'est pas crédible sur le plan économique, car cela entraînerait une fuite des capitaux, l'autarcie et une catastrophe sociale. « Un système en décroissance ne fait plus se rencontrer l'offre et la demande, il n'y a plus de marché. Et donc, il n'y a plus de système prix. Cela aboutit à une économie planifiée. C'est à dire, ce qui a été mis en œuvre après la révolution de 1917 dans le bloc de l'Est. » Au lieu de cela, Antoine Bueno propose de parier sur une croissance durable. Cependant, il souligne que le chemin vers une telle croissance est étroit et que l'humanité ne peut être certaine d'y parvenir, en particulier face à l'urgence climatique.

Pour L'Express, Antoine Buéno donne dix raisons de garder espoir. [Article complet réservé aux abonnés]
« Nous sommes face à une sérieuse crise de croissance de l'humanité. Mais dans quelques décennies, trois révolutions technologiques pourraient nous faire passer à l'étage supérieur : la fusion nucléaire, qui pourrait produire une quantité phénoménale d'énergie à partir d'une ressource première (le deutérium et le tritium) disponible sur Terre en quantité quasi illimitée et sans presque générer de déchet, la géo-ingénierie pour capter le carbone dans l'air, et enfin le space mining. Ces technologies pourraient signifier un nouvel âge d'or de notre espèce, avec une croissance infinie basée sur des ressources elles aussi infinies. En attendant, il va falloir tenir face au réchauffement climatique, c'est-à-dire effectuer la transition le plus rapidement possible. » Antoine Bueno

Avec Antoine Bueno, essayiste, conseiller au Sénat auprès de la Commission du développement durable et de la Délégation de la prospective.
« Le chiffon rouge de la dictature est au bout de la course si on ne mène pas la transition ». Antoine Bueno
[bien-être, qualité de vie, durabilité] : Une transition vers la post-croissance pour reprendre le contrôle de nos systèmes économiques.
4 - La Post-Croissance : La popularisation du PIB, adopté lors de la conférence de Bretton Woods en 1944, a conduit à une quête incessante de croissance matérielle, aboutissant à une accumulation excessive de biens au détriment de l'environnement. La post-croissance, parfois qualifiée de croissance décarbonée, propose une transition vers une économie où la croissance économique n’est plus l’objectif principal. Plutôt que de chercher une expansion constante de la production, la société post-croissance privilégie le bien-être, la qualité de vie et la durabilité. Cette approche repose sur une meilleure répartition des ressources, une focalisation sur des priorités non économiques comme la santé, l’éducation et la justice sociale, tout en tenant compte des limites planétaires. En somme, une transition pour reprendre le contrôle de nos systèmes économiques

« Consommer moins, répartir mieux »
L'économiste, Eloi Laurent, propose de redéfinir la richesse en termes de santé et de coopération sociale plutôt que de croissance monétaire infinie. Il s'oppose à l'idée de "croissance verte".

Éloi Laurent est l'auteur d'un manuel pour révolutionner l'Économie pour le XXIe siècle - Manuel des transitions justes

Biosphère à préserver / justice sociale (biophysique et éthique) - La clé : la justice
« La transition doit être juste. Il faut articuler la question écologique à la question sociale. Pendant 40 ans, on a vécu une hallucination collective qui s'appelle le néolibéralisme. » Éloi Laurent
Dans ce podcast présenté par Paloma Moritz, Eloi Laurent nous parle de santé et d'économie du bien-être :
Le texte suivant "Entreprendre sans détruire, c’est possible" d'Emmanuel Druon est à télécharger :
[plus de croissance, + de technologies, + de marchés] : continuer à repousser les limites.
5 - La Croissance Technosolutionnisme : Le technosolutionnisme est une approche qui favorise la résolution des problèmes par le biais de la technologie et de l'innovation. Les partisans de cette vision estiment que le progrès technique permettra de développer des technologies plus propres et plus efficaces, telles que les énergies renouvelables, le stockage d'énergie avancé, la capture et le stockage du carbone, etc. L'idée sous-jacente est que la croissance économique peut se poursuivre tout en réduisant les émissions de gaz à effet de serre.
D'où ça sort le technosolutionnisme ?
Ce terme vient de L'Université de Stanford, au Sud de San Francisco dans la Silicon Valley, là où on forge les esprits à changer la face du monde. C'est de l'émulation de ces cerveaux qu'est venue l'idée que la technologie pourrait un jour sauver le monde.
La notion de solutionnisme technologique s’est imposée en 2014 dans le débat public, sous la plume du chercheur américain d’origine biélorusse Evgeny Morozov. Dans son ouvrage Pour tout résoudre, cliquez ici (FYP éditions, 2014), l’auteur met en lumière les impensés des projets prométhéens des entrepreneurs californiens du numérique qui ambitionnent de « réparer tous les problèmes de monde », selon les mots de l’ex-dirigeant de Google Eric Schmidt, en 2012. En plaçant l’individu au centre des enjeux, leur optimisme technologique piloté par les lois du marché conduit à occulter les causes sociales et politiques des problèmes, affirme Morozov.
Si l’expression est récente, les travaux d’une nouvelle génération d’historiens des sciences et techniques montrent que la fascination à l’égard de l’innovation technologique est bien antérieure à la création de l’Internet.
« Le technosolutionnisme est ancré dans une vision du monde portée par deux siècles de théorie économique selon laquelle le marché et l’innovation pourraient nous permettre de dépasser les limites environnementales », affirme l’historien François Jarrige, auteur d’On arrête (parfois) le progrès. Histoire et décroissance (L’Echappée, 2022).

« Croire que tout est perdu, ou croire que la technologie va nous sauver, ce sont deux solutions également commodes, qui l’une et l’autre nous dispensent d’agir. » Cédric Villani
Décroissance, post-croissance, transition : de quoi parle-t-on ?
Les analyses et perspectives publiées par la Chambres d’agriculture France offrent un éclairage très utile sur les impacts environnementaux liés à une croissance économique intensive. Ce document est à télécharger :
En France, le financement de la transition écologique se heurte de plein front à la dure réalité du manque d'investisseurs, de l'inflation, puis du déficit public et du contexte de guerres. A la crise politique s’ajoute à une désertion progressive de la question environnementale. En septembre 2024, la ministre de la Transition écologique a vu ses marges d’action réduites, symptôme du recul des ambitions vertes. Le discours dominant a glissé vers l’adaptation au dérèglement climatique, reléguant la prévention au second plan. Une interrogation se pose désormais : la transition écologique continuera-t-elle à être financée ?
Les questions de financement de court terme ou d’orientation du progrès technique, justement soulevées par le rapport de Jean Pisani-Ferry et de Selma Mahfouz, ne doivent pas faire oublier que la transition relève avant tout d’un choix de société.
« Comme cela est suggéré par le Rapport Pisani-Ferry et Mahfouz (publié le 22 mai 2023), une hausse des prélèvements fiscaux pourrait être décidée, afin de financer les quelque 66 milliards d’€ annuels que requière la transition écologique... Or, seulement 8 milliards d’euros sont pour le moment budgétés. »