La croissance illimitée

La croissance illimitée

Pour que la Terre reste un monde vivable pour les générations futures. #1/8

En contrepoint de la thématique 'Avenir résilient', nous proposons une revue de presse intitulée 'Pour une autre Terre', qui aborde les enjeux de durabilité à travers huit instantanés des actualités de 2023 et 2024 (du monde réel).

Le menu secondaire, en bas des pages du site, permet l'accès à ces 8 instantanés :


Pour une autre Terre

La gravité de la situation ne peut plus être ignorée : la Terre traverse une « triple crise planétaire » — dérèglement climatique, effondrement de la biodiversité, pollution et accumulation des déchets. L'activité humaine a déréglé le climat et menace désormais l'habitabilité de notre planète.

Face à cette impasse écologique, il devient urgent de repenser notre relation au monde, et notamment l'équilibre entre le vivant et nos constructions humaines.


Biosphère et technosphère

La biosphère et la technosphère incarnent deux dimensions interdépendantes de notre planète : l'une, naturelle et vivante, l'autre, artificielle et façonnée par l'humanité.

La biosphère englobe tous les écosystèmes de la planète et est caractérisée par la présence de la vie. Elle représente l'ensemble des interactions entre tous les organismes vivants et leur environnement sur Terre.

La technosphère est un concept utilisé pour évaluer l'empreinte physique de l'humanité sur la planète. Elle représente l'ensemble des constructions technologiques (systèmes techniques) et des objets fabriqués par l'homme (artefacts), ainsi que leur interaction avec l'environnement. Ces objets reposent sur l'exploitation de métaux, y compris les terres rares (qui sont en réalité principalement des éléments de la série des lanthanides, et non uniquement des métaux), et sur la chimie organique (isolants, plastiques, huiles, etc.), issue du pétrole et du gaz.

La technosphère est une sphère artificielle qui s'est développée à partir de la biosphère. Elle n'a pas de limites physiques clairement définies et son existence est étroitement liée à celle de l'humanité.

Quelle est la taille de la technosphère ? On peut la mesurer grossièrement en calculant la masse de ses parties physiques, depuis les villes et les mètres cubes de terre excavés et déplacés pour établir leurs fondations, jusqu'aux terres agricoles, routes, voies de chemin de fer, etc. Un ordre de grandeur estimatif évalue à quelque 30 mille milliards de tonnes (30 tératonnes) les matériaux que nous utilisons, ou avons utilisés et jetés, sur l'ensemble de la planète. Elle comprend aussi la masse de CO₂ émise par l'industrie dans l'atmosphère qui équivaut, à elle seule, à quelque 150 000 pyramides d'Égypte ! L'humanité n'a beau représenter que 0,01 % de la masse de tous les organismes vivants, aucune autre espèce n'exerce une influence aussi importante sur notre planète. Ce sont les zones urbaines qui représentent la plus grande part des modifications physiques de l'environnement : environ le tiers de la masse totale, soit un peu plus de 11 mille milliards de tonnes (11 tératonnes). Les estimations calculées par les géologues tiennent également compte de l'ampleur des fonds marins chalutés, des terres épuisées et des sols érodés - autant de signes de l'impact considérable des activités humaines sur la planète bleue.

La technosphère tend à se développer sous l'effet de l'innovation technologique, de la croissance démographique, de l'urbanisation, des changements de mode de vie et du développement économique.

C'est la seule "sphère" qui accumule des déchets. Elle n'a d'ailleurs pas le même statut que l'atmosphère, l'hydrosphère ou la lithosphère qui sont des systèmes naturels de la Terre ayant évolué sur des échelles de temps géologiques.

Jusque dans les années 1950, nos déchets ne représentaient presque rien par rapport à la masse des organismes vivants sur Terre. Aujourd'hui, le volume des matériaux produits par l'homme pèse plus lourd que l'ensemble de la biomasse. Selon une étude publiée dans Nature, la masse totale des matériaux fabriqués par l'homme (infrastructures, bâtiments, machines, etc.) est passée d'un niveau négligeable avant 1950 à environ 1,1 tératonnes aujourd'hui, tandis que la biomasse totale des organismes vivants avoisine les 1,2 tératonnes. Les projections indiquent que d'ici à 2040, la masse des matériaux humains pourrait tripler pour atteindre environ 3,3 tératonnes. Résultat : ces objets par milliards, ces constructions par millions, s'ils sont ensevelis, formeront à l'avenir des technofossiles, une couche géologique que les paléontologues de demain devront étudier et classifier, soulignent les chercheurs.

Pour en savoir plus :

Quel est le poids du vivant ? - 42 - La réponse à presque tout - Regarder le documentaire complet | ARTE
Un rhinocéros pèse trois tonnes, une mouche, cinq milligrammes, et un homme adulte dans les 80 kilos. Mais quel est le poids total de l’ensemble des êtres vivants sur la Terre ? Des chercheurs se sont penchés sur la question et ont arrêté un chiffre. Ce dernier est-il réaliste ? Et que nous apprend-il ?
Il y a un immense puits de carbone que nous ne soupçonnions pas, mais il est à manier avec prudence
Pour nous aider à limiter le réchauffement climatique anthropique résultant de nos émissions de gaz à effet de serre, nous allons avoir besoin de compter sur des puits de carbone. Ces systèmes…

Les chercheurs de l'université de Groningue proposent d'allonger la durée de vie des produits, de renforcer le recyclage et de limiter les rejets pour réduire les flux de carbone fossile.


Le poids insoutenable de la technosphère

L'humanité a permis l'éclosion d'une énorme machine scientifique et technique qui oriente désormais son devenir historique.

« Aujourd'hui, si la technosphère poursuit son développement, ce n'est pas parce que l'humanité choisit et contrôle cette évolution, mais parce que de nouvelles innovations technologiques utiles font leur apparition. On assiste désormais à une co-évolution des systèmes humains et technologiques. » Jan Zalasiewicz

Les innovations technologiques façonnent les outils et infrastructures qui soutiennent le développement du numérique. Elles transforment les comportements, les capacités cognitives et physiques, ainsi que les structures sociales. Parallèlement, les humains adaptent ces technologies en fonction de leurs besoins en constante évolution. Par exemple, l'intelligence artificielle redéfinit les méthodes de travail, tandis que les outils numériques influencent profondément nos modes de réflexion et d'apprentissage.

« Ayons l'ambition de nous éduquer au numérique afin de comprendre qu'il se révèle plus complexe qu'on ne le croit lorsqu'on envoie un like entre deux smartphones. Ce dernier requiert des data centers, des réseaux énergétiques, des routes, des câbles et peut-être même bientôt des satellites. » Guillaume Pitron

Pour en savoir plus :

L’insoutenable poids de la technosphère
En un clignement d’œil géologique, une nouvelle sphère est apparue, qui évolue à vive allure. Elle pèse 30 000 milliards de tonnes. Son nom : la technosphère. Elle comprend aussi la masse de CO2 émise par l’industrie dans l’atmosphère qui équivaut, à elle seule, à quelque 150 000 pyramides d’Égypte…

Par le géologue Jan Zalasiewicz

La face cachée du numérique selon Guillaume Pitron (vidéo) - Natura Sciences
Guillaume Pitron signe une nouvelle enquête extrêmement documentée. Intitulé “L’enfer numérique : voyage au bout d’un like”, l’ouvrage révèle que le digital a un coût écologique important malgré son apparence dématérialisée. Pour Natura Sciences il raconte son livre et ces enjeux.

Sortir d'un modèle qui pollue

A l’image des énergies fossiles, les minerais les plus utilisés au monde sont tous surexploités. Un constat qui remet profondément en cause les perspectives d’une croissance verte fondée sur les nouvelles technologies.

« Il faut garder le numérique uniquement dans les fonctions essentielles », estime Aurore Stéphant
À l’occasion de la journée de l’USI (Unexpected Sources of Inspiration), Aurore Stéphant, spécialiste des risques environnementaux et sanitaires des filières minérales pour le compte de l’association SystExt a tenu un discours poignant sur la catastrophe qui se joue dans […]

Aurore Stéphant, ingénieure géologue minier, nous parle d'extraction minière et de la matérialité du numérique :

Métaux rares : “On ment aux jeunes générations”
Notre croissance repose sur le métal, mais les mines s’épuisent et polluent toujours plus… La spécialiste Aurore Stéphant tire la sonnette d’alarme.

Aurore Stéphant : Ingénieure géologue minier, spécialisée dans les risques environnementaux et sanitaires des filières minérales.

« Dé-numérisation, dés-électrification. Et pourquoi pas ? Aujourd'hui, on n'ose pas parler de décroissance. Mais si la décroissance nous permettait de mieux vivre que nos grands-parents ? Ce n’est pas un gros mot. Selon moi, la décroissance, c’est simplement regarder en face la façon dont les générations précédentes ont vécu, avec une industrie agroalimentaire qui pollue, une industrie chimique qui pollue, une industrie minière qui pollue, des émissions de gaz à effet de serre, de l’air pollué, de l’eau polluée – et dire : « on veut vivre mieux que ça. ». S’il faut passer par la décroissance pour sortir de ce modèle, très bien ! » Aurore Stéphant

La nécessité d’une gestion durable des métaux

Notre croissance est matériellement fondée sur les métaux, utilisés de manière intensive pour créer les infrastructures, les bâtiments et les objets de notre vie quotidienne. Or les stocks de métal extractible sur terre ne sont pas infinis.

« Le besoin en métaux va être multiplié par cinq d’ici à 2050. On va extraire autant de métaux dans les trente prochaines années que ce que l’humanité a extrait jusqu’à présent. C’est vertigineux. »
«On va extraire autant de métaux dans les trente prochaines années que ce que l’humanité a extrait jusqu’à présent»
La géologue Marieke Van Lichtervelde alerte sur les dégâts environnementaux causés par l’industrie minière nécessaire au monde numérique.

Le taux de recyclage des matériaux de haute technologie reste moins que 1 %.

Le texte qui suit est à télécharger. C'est un résumé du livre « Quel futur pour les métaux ? », écrit par Benoit de Guillebon et Philippe Bihouix (EDP Sciences, 2010).

A l'issue d'une analyse approfondie et documentée, prenant en compte les enjeux techniques, économiques, sociaux et environnementaux de la raréfaction des métaux, les auteurs mettent à mal les mythes de l'abondance, de la croissance verte et d'une technologie forcément salvatrice.

« Il faut être bien conscient que, comme les ressources énergétiques fossiles, les ressources métalliques sont non renouvelables. Or, le développement économique des pays émergents a amené une croissance sans précédent de la demande. Un alignement de la Chine et de l’Inde sur les modes de vie européens conduirait à un nouveau doublement. »
« Face à ces enjeux, les acteurs politiques et économiques doivent prendre conscience de la nécessité d’une gestion durable des métaux. Il leur faudra communiquer sur cette problématique et préparer la société à une évolution vers une économie de ressources à moyen terme différente de notre économie de consommation et de profit court terme. »

Focus :

Économie de marché et croissance
Pour que la Terre reste un monde vivable pour les générations futures. - focus 4 Le marché stimule l’innovation et la création de valeur et a permis au niveau de vie de l’humanité d’augmenter considérablement ces deux derniers siècles. La très grande majorité des pays a d’ailleurs

Pour une autre Terre - suite #2/8 :

Les limites de la croissance
Pour que la Terre reste un monde vivable pour les générations futures. #2/8 L’héritage du Rapport Meadows Les Limites à la croissance (dans un monde fini) (The Limits to Growth) — connu sous le nom de Rapport Meadows, du nom de ses principaux auteurs, les chercheurs Donella Meadows et Dennis