Semailles humaines

Semailles humaines

« Est-il mieux d'adapter l'homme aux planètes que les planètes à l'homme ? »


"Semailles humaines" est un recueil de l'auteur de science-fiction James Blish réunissant quatre nouvelles rédigées entre 1952 et 1956. Alors que pour beaucoup, l'exploration spatiale doit passer par la terraformation des planètes que l'on souhaiterait rendre habitables, James Blish, quant à lui, imagine le procédé inverse : la pantropie, qui consiste à modifier la biologie humaine afin de permettre à l'homme d'explorer des planètes de toute sorte, indépendamment de leur environnement, gravité ou composition atmosphérique.

La pantropie, ou l'adaptation biologique de l'Homme

L'idée de recourir à la bio-ingénierie pour adapter les humains à un autre environnement est un thème récurrent dans la science-fiction, en particulier dans la littérature. On le retrouve chez les "extros" dans Hypérion, chez les "Crackers" dans Oryx et Crake, chez les "aquatiques" des enfants de Poséidon, voire les Rifteurs de Peter Watts. Au cinéma, cette approche semble moins fréquente, bien que l'on puisse trouver des similitudes entre les films "Avatar" et "Titan". Dans les deux cas, le personnage principal, interprété par Sam Worthington, cherche à quitter une Terre devenue peu recommandable pour s'envoler dans les étoiles, en passant par une métamorphose pour y parvenir.

Le thème de la pantropie recoupe parfois celui du cyborg, du transhumanisme et des dérives qui pourraient avoir lieu pour améliorer l'espèce. Dans les quatre récits de James Blish, les colons subissent des modifications génétiques pour développer des caractéristiques physiologiques, d'échelle ou éthologiques qui les aident à survivre dans des environnements inhospitaliers, au risque de créer des espèces humaines séparées, adaptées à leur environnement spécifique. Cette approche offre l'avantage de faire l'économie du temps et des ressources nécessaires à une terraformation, tout en permettant de bénéficier à la fois de l'intelligence humaine et des caractéristiques propres à chaque nouvelle espèce.

Est-il mieux d'adapter l'homme aux planètes que les planètes à l'homme ? Est-ce « plus écologique » ? James Blish est certainement très sincère lorsqu'il l'affirme dans le livre quatrième, consacré au retour à la Terre et à une longue réflexion sur l'ensemencement. Il a été aussi, sans doute, un des premiers dans la science-fiction à dénoncer le saccage de la Terre... Mais jamais l'idée que ses « manipulations techniques hautement élaborées » pourraient être incroyablement dangereuses ne semble l'effleurer. Ou peut-être s'en moque-t-il. L'important, c'est la colonisation. Il faut préserver l'objet à coloniser, les planètes ; tant pis si l'on perd en route, par accident, quelques milliards de vaisseaux humains... Michel Jeury, in Fiction 285 (Première parution : 1/11/1977) Mise en ligne le : 25/9/2011.

Michel Jeury nous donne une autre clé de lecture : "Ce livre peut également être interprété comme un ardent plaidoyer contre l'acharnement des hommes à transformer la Terre pour l'adapter à un certain type humain, dont les besoins sont en partie imaginaires : le citadin occidental du XXe siècle".

La terraformation, ou ailleurs comme sur la Terre

La terraformation consiste à transformer l'environnement d'une autre planète en un milieu plus proche de celui de la Terre, potentiellement habitable par l'homme sans dépendre de systèmes de soutien de vie artificiels.

Épopée et fresque sociale, "La Trilogie de Mars" de Kim Stanley Robinson décrit les efforts de plusieurs générations de colons pour terraformer Mars en vue de rendre la planète habitable pour l'humanité.

« L'art narratif de Kim Stanley Robinson ne s'exerce pas qu'à filmer une société avec les yeux de plusieurs protagonistes. Il instruit son public d'une foule de renseignements astronomiques ; il l'éblouit par de vertigineuses descriptions de paysages ; il lui montre les miracles technologiques qu'accompliront les ingénieurs de demain. La visite des canyons martiens, profonds de trois kilomètres, le survol des volcans géants de Tharsis (les plus hautes montagnes du système solaire) ou l'arrimage du prodigieux ascenseur de l'espace reliant la planète à l'un de ses satellites valent à eux seuls le voyage ». François Rouiller - Noosfere (Première parution : 24/12/1994) Mise en ligne le : 10/11/2000

Néanmoins, la conquête de Mars, 30 ans après l'écriture de ces romans, a-t-elle encore besoin de l’imagination débridée d’un auteur de SF, aussi brillant soit-il, pour devenir tangible ?

Pour réchauffer Mars, augmenter sa pression atmosphérique et permettre à de l'eau liquide de couler à nouveau à sa surface, une solution serait de faire s'évaporer la glace et le dioxyde de carbone présents sur les pôles pour former des nuages primitifs, puis d'extraire et de relâcher l'oxygène présent dans les nitrates et les minéraux contenus dans le sol. Cependant, ce processus prendrait des dizaines de milliers d'années et nécessiterait une présence humaine continue sur Mars pour entretenir les changements climatiques. Il faudrait également une industrie développée et des infrastructures pour le traitement et la diffusion des gaz dans l'atmosphère, ce qui impliquerait l'exploitation minière de milliards de tonnes de roches et l'utilisation d'énormes quantités d'énergie pour extraire les gaz nécessaires.

Certains scientifiques ont suggéré d'épaissir l'atmosphère en la polluant avec du méthane ou des chlorofluorocarbones (CFC), dans le but de réchauffer les pôles et de faire fondre les calottes pour réactiver l'hydrosphère. Toutefois, leur courte vie dans l'atmosphère obligerait à en produire sans cesse d'importantes quantités. En 2015, Elon Musk a proposé une autre méthode, à savoir l'explosion des pôles pour libérer l'eau retenue dans les profondeurs et la vaporiser dans l'atmosphère. Cependant, cette idée n'est pas sans faille et a été qualifiée d'idée d'apprenti sorcier par l'expert du CNES Francis Rocard, en raison des incertitudes quant à son efficacité finale. De plus, la difficulté d'envoyer des bombes nucléaires en direction des calottes polaires de Mars ne doit pas être sous-estimée, ne serait-ce que pour le transport.

Bruce Jakosky et Christopher S. Edwards, deux chercheurs chevronnés, se sont donc posé la question : serait-il vraiment possible de terraformer Mars ? Leur conclusion rejette la possibilité de terraformer la Planète rouge.

« Nos résultats suggèrent qu'il n'y a pas assez de CO2 restant sur Mars pour fournir un réchauffement significatif par effet de serre si le gaz devait être mis dans l'atmosphère, résume Bruce Jakosky. En outre, la majeure partie du CO2 n'est pas accessible et ne peut pas être facilement mobilisée ». In : Futura - Actualités

La colonisation de Mars, mais sans terraformation

Depuis quelques années, les missions d'exploration robotique sur Mars se multiplient, laissant entrevoir la possibilité d'un atterrissage humain sur la planète rouge dans un avenir proche. Il est probable que les premiers explorateurs, qu'ils soient Américains ou Chinois, foulent le sol martien d'ici trente ans.

Le PDG de SpaceX, Elon Musk, est particulièrement optimiste quant à la colonisation de Mars. Selon lui, le transport de dizaines de passagers vers la planète rouge sera possible grâce à son Starship, une fois que des habitats et des infrastructures de production de biens et services vitaux auront été installés sur place. Le milliardaire a déclaré que l'objectif était de réduire le coût du billet à environ 200 000 dollars, soit le prix moyen d'une maison aux États-Unis, afin de permettre la création d'une civilisation auto-subsistante. Il a également prédit la constitution d'un gigantesque partenariat public-privé pour atteindre cet objectif. Dans sa vision, des cités martiennes sortiront du sol rouge avant la fin du siècle. Créer une présence permanente sur Mars est l’une de ses obsessions.

Avant la fin du siècle, il est donc possible qu’une colonie s’installe sur Mars. Cet avant-post verra la construction des prémices d'une petite cité sous dôme semi-enterrée, ainsi que la mise en place de systèmes énergétiques et de soutien de vie artificiels permanents. Cette communauté pourrait compter de 100 à 150 personnes, avec des membres en âge de procréer, afin de maintenir et d’augmenter les effectifs. Le "nombre minimum d'individus d'une espèce nécessaire à un endroit pour qu'elle puisse perdurer" est très variable d'une espèce à l'autre, mais il a souvent été estimé autour de 1000. Ces colons pourraient-ils, au fil de l’évolution, devenir des Martiens idéaux ?

Chris Impey, professeur d’astronomie à l’université d’Arizona, prévoit que le processus naturel d’évolution pourrait s’accélérer avec une colonie de Martiens. Leur corps pourrait devenir plus grand et mince, en raison d’une gravité inférieure de 40 % à celle de la Terre. Qui plus est, ils pourraient perdre leurs poils dans un environnement contrôlé dénué de poussière. Les Martiens seraient différents des Terriens, car on ne peut pas s'adapter sans changer.

Toutefois, pour que cette colonie puisse devenir auto-suffisante, il faudra trouver des solutions pour nourrir la population. Les gènes de plantes pourraient être modifiés pour permettre une meilleure absorption d'oxygène, une résistance accrue aux radiations solaires, ou la production de nutriments essentiels à partir de sources alimentaires limitées. Une alternative à l'élevage traditionnel de bétail serait la production de viande cultivée en laboratoire, où des cellules animales sont utilisées pour produire de la viande sans avoir besoin de vrais animaux. En plus des plantes biotechnologiques polyvalentes, l'alimentation sur Mars devrait principalement reposer sur les cultures hydroponiques, la consommation d'algues et même... les insectes ! Ces derniers sont une source de protéines très intéressante et surtout bien plus rentable.

Dans "Seul sur Mars", le film où la science est le héros, nous suivons Mark Watney, un botaniste laissé pour mort sur la planète rouge après une terrible tempête, alors qu'il tente de survivre et de contacter la Terre. Au fil des sols (les jours martiens, d'environ 24 heures et 40 minutes), il parvient à cultiver des pommes de terre pour assurer sa survie pendant quatre ans, en attendant l'arrivée d'une mission de sauvetage. La bonne nouvelle concernant notre planète est que si la culture de pommes de terre est possible sur le sol martien, elle l'est également sur les sols les plus arides de la Terre.


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« De toute façon, pour le futur, nous n'aurons que ces deux choix : arriver à vivre ensemble en paix sur une planète avec de l’air respirable et de l’eau potable ou devoir la quitter pour vivre ailleurs ». Bernard Werber

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