Préparer le futur des villes

Entre nécessités écologiques, innovations sociales et choix politiques

Les villes du futur ne sont plus seulement l'apanage des films et séries de science-fiction : elles sont désormais bien réelles et se dessinent sous nos yeux. Des métropoles telles que Madrid, Dubaï, Nairobi, Medellin, Helsinki, Tokyo, Séoul, Singapour ou Bangalore se positionnent à l'avant-garde de l'innovation. Madrid est à son apogée. Avant, c'était une ville de passage et maintenant c'est une ville de destination. Les gratte-ciels vertigineux de Dubaï, les solutions de transport par téléphériques ou taxis collectifs de Medellin, le quartier du design à Helsinki, la vie trépidante de Tokyo et Séoul, l'engagement envers la propreté et le bien public à Singapour, ou encore le boom technologique de Bangalore avec ses 500 start-up, offrent aux voyageurs un avant-goût du futur dès aujourd'hui.
Toutefois, la croissance rapide de ces villes n'est pas sans conséquence. Les sols ont été bétonnés sans la mise en place suffisante de systèmes de drainage, de canalisation et de récupération des eaux. À Bangalore, les pluies tombent sur la ville sans contribuer à la régénération des réserves d'eau. En raison d'un manque de gestion publique, les fournisseurs privés sont contraints de creuser des puits de plus en plus profonds et éloignés. À Dubaï, les inondations sans précédent qui ont frappé la ville des Émirats arabes unis le 16 avril 2024 laissent songeur. Le gouvernement local a décidé de prendre les choses en main et a annoncé un plan de 7 milliards d'euros pour construire un système complet d'évacuation des eaux pluviales, rapporte Interesting Engineering dans un article paru le 25 juin 2024. Et ce ne sont que deux exemples...
Le Sud-Est de la France a récemment été confronté à des catastrophes climatiques comparables à celles observées dans des pays comme l’Inde et le Pakistan, marquant l'émergence d'une véritable mousson en Méditerranée sous l'effet du changement climatique. Ce phénomène, sans précédent en France, se manifeste par des tempêtes explosives semblables à celles des tropiques. Dans l’Atlantique Nord, ces tempêtes deviendront de plus en plus intenses et pluvieuses, affectant particulièrement le sud de la péninsule Ibérique, les îles Britanniques, la France et la Scandinavie dans les années à venir.
Face à l'aggravation de ces phénomènes climatiques – tempêtes, pluies torrentielles, inondations suivies de sécheresses – une planification urbaine durable et résiliente, ainsi qu’un renforcement des digues de protection et des dispositifs anti-crues, s’imposent comme des priorités pour assurer un avenir viable.
L’avenir des villes se joue aujourd’hui. Les métropoles actuelles, héritières d’un urbanisme fonctionnaliste et d’une vision productiviste de l’espace, révèlent leurs limites : congestion, ségrégation, vulnérabilité face aux crises sanitaires ou climatiques, mais aussi désaffection citoyenne à l’égard des décisions qui les façonnent.
Préparer le futur des villes, ce n’est pas simplement améliorer l’existant, c’est interroger en profondeur la manière dont l’espace urbain est pensé, gouverné, habité. À l’intersection de l’urbanisme, de l’architecture, de la transition écologique, des mobilités, du numérique et de la justice sociale, s’esquisse une nouvelle grammaire urbaine. De la “ville du quart d’heure” à la chronotopie, des technologies intelligentes aux communs urbains, des formes architecturales sobres aux luttes pour le droit à la ville, se dessinent des chemins multiples. Encore faut-il savoir qui les trace.
Dès lors, une question s’impose : comment penser et organiser la ville de demain en conciliant impératifs écologiques, inclusion sociale, innovations technologiques et choix démocratiques ?
I. La ville contemporaine au prisme des tensions
A. L’urbanisme hérité face à l’impératif écologique
Nos villes ont été bâties sur des logiques productivistes et extractives. L’étalement urbain, hérité du modèle moderniste (Le Corbusier, la Charte d’Athènes), a fragmenté l’espace et généré une forte dépendance à la voiture. Or, face à l’urgence climatique, ce modèle devient insoutenable.
Les travaux de Françoise Fromonot ou Thierry Paquot critiquent la standardisation des formes urbaines et appellent à repenser la densité, la mixité et la nature en ville. L'urbanisme régénératif émerge ainsi comme une alternative, visant non seulement à réduire les dommages, mais à réparer les milieux vivants.
« L’enjeu n’est plus seulement de limiter l’impact de la ville sur l’environnement, mais de lui permettre de redevenir un écosystème habitable. » – Paquot.
Point de vue :

B. Inégalités territoriales et fractures sociales
Henri Lefebvre, dans Le droit à la ville (1968), dénonçait déjà la domination de la logique marchande sur la fabrique urbaine. Aujourd’hui encore, la gentrification, la ségrégation résidentielle et les “quartiers oubliés” traduisent une inégale distribution de l’espace urbain.
Loïc Wacquant a analysé la marginalisation des périphéries dans une ville duale, où la centralité devient un privilège. L’accès aux ressources (transports, écoles, soins) dépend plus que jamais du lieu où l’on habite, ce qui accentue les inégalités structurelles.
C. Le pouvoir d’organiser la ville : entre technocratie et citoyenneté
La fabrique de la ville reste un espace de pouvoir. Manuel Castells, en analysant les mouvements sociaux urbains, montre que les habitants peuvent être acteurs de leur territoire, mais que cela suppose des formes de démocratie active.
L’urbanisme “top-down” (technocratique) tend à négliger les savoirs d’usage, alors que les approches participatives (Ateliers d’urbanisme, budgets participatifs) cherchent à rendre la décision plus horizontale. Mais cette participation est souvent instrumentalisée : qui décide, vraiment, de ce qu’est la ville ?
II. Nouvelles approches et outils pour une ville vivable
A. La "ville du quart d’heure" et la chronotopie urbaine
Concept popularisé par Carlos Moreno, la ville du quart d’heure vise à rapprocher les fonctions essentielles (travailler, se soigner, consommer, se cultiver, se détendre). Cette approche repose sur une lecture chronotopique de la ville – croiser l’espace et le temps urbain.
Inspirée de la pensée de Jane Jacobs (la ville vivante, à échelle humaine), elle vise une intensification douce de la ville. On revient ainsi à une logique de centralités multiples, réduisant la dépendance à la voiture et favorisant les mobilités actives.
B. Architecture et design urbain comme leviers de transition
L’architecture contemporaine est appelée à devenir résiliente et contextuelle. Anne Lacaton & Jean-Philippe Vassal, lauréats du prix Pritzker, plaident pour le “faire avec” : transformer plutôt que détruire, ajouter plutôt que remplacer. Leurs projets de réhabilitation (notamment à Bordeaux) en témoignent.
Par ailleurs, la conception des espaces publics devient centrale : Jan Gehl, urbaniste danois, invite à penser la ville “pour les gens, pas pour les voitures”. Cela suppose des formes sobres, évolutives, réversibles.
Point de vue :

Point de vue
"L’ambition affichée de pays d’être à la pointe du développement urbain durable à travers des projets pilotes ne doit pas faire oublier que le plus grand enjeu est la ville existante. C’est, comme on le dit habituellement, la reconstruction de la ville sur la ville", comme le souligne Nicolas Samsoen.
C. Technologies au service de la ville ou outils de contrôle ?
La “smart city” repose sur l’idée d’une ville optimisée par la donnée. Mais Evgeny Morozov dénonce la tentation du solutionnisme technologique, qui fait de chaque problème un objet de gestion algorithmique.
La donnée urbaine (captée via capteurs, caméras, applications) peut améliorer la gestion de l’énergie ou du trafic, mais elle pose aussi des questions de gouvernance : à qui appartiennent les données ? Comment éviter la surveillance généralisée ? La ville intelligente ne doit pas devenir une ville sous contrôle.
III. Vers une ville résiliente, solidaire et désirable
A. La résilience climatique comme cadre d’action
Face aux chocs (canicules, inondations, crises sanitaires), la ville doit devenir résiliente. Cela implique une anticipation systémique : l’urbanisme tactique (interventions rapides, réversibles) ou les infrastructures vertes (trames bleues et vertes, zones d’expansion des crues) sont des réponses souples à des menaces structurelles.
Cynthia Ghorra-Gobin parle de “durabilité urbaine” à condition que celle-ci soit pensée dans une perspective d’équité et de long terme.
B. Repenser les mobilités pour une ville accessible
Les mobilités douces (marche, vélo), intermodales et inclusives sont au cœur d’un urbanisme post-carbone. Frédéric Héran, dans Le retour de la bicyclette, insiste sur les bénéfices sociaux, sanitaires et économiques d’une ville moins dépendante de la voiture.
Là encore, la justice spatiale est clé : les quartiers périphériques doivent bénéficier des mêmes accès que les centres. Cela suppose une logique de réseau, pas de hiérarchie.
C. Une utopie concrète : pluralité des modèles urbains
Plutôt que chercher une “ville idéale”, il s’agit d’imaginer des modèles contextuels, adaptés aux usages, aux cultures locales, aux écosystèmes. Les “villes lentes” (Cittaslow), les écoquartiers coopératifs (Fribourg-en-Brisgau, Vauban), ou encore les tiers-lieux urbains offrent des pistes.
Le futur des villes pourrait bien être pluriel, adaptable, réversible et co-construit.
Conclusion
Le futur des villes ne saurait être l’affaire exclusive des urbanistes, des ingénieurs ou des décideurs. Il engage une vision collective du monde à venir, où se croisent nos manières d’habiter, de circuler, de travailler, mais aussi de vivre ensemble. La transition écologique, la sobriété énergétique, la justice spatiale, l’inclusivité ou encore la résilience climatique ne sont pas des variables secondaires : elles constituent l’ossature même de la ville à venir.
Ce futur urbain ne pourra être qu’un futur pluriel, évolutif, à l’écoute des territoires et de leurs habitants. Ni nostalgie des centres historiques, ni fascination pour les promesses lisses de la smart city : il s’agit de construire un urbanisme du vivant, une ville poreuse aux imaginaires, mais ancrée dans le réel. Une ville qui n’est plus seulement pensée “depuis le haut”, mais qui s’élabore avec, par et pour ceux qui la vivent.
Préparer la ville de demain, c’est refuser qu’elle soit un objet figé, planifié selon une seule logique, pour en faire un projet collectif, une œuvre en mouvement, attentive aux rythmes de la vie autant qu’aux grands enjeux de notre temps.
Sources et Références pour "Construire la ville de demain"
- Jürgen Mayer H. – Citation sur l’architecture
- Citation : "Un bon bâtiment redéfinit un lieu. Un bon bâtiment apporte une nouvelle vision. Il offre également du confort mais, en même temps, il remet en question nos attentes. C'est un bâtiment qui intègre l'innovation culturelle, sociale et technologique. Et c'est un type de bâtiment qui peut être adapté, transformé ou entièrement changé dans le futur sans perdre ses caractéristiques propres."
- Réflexion : Cette citation permet de réfléchir sur le rôle de l'architecture dans la transformation urbaine, son potentiel à façonner des lieux durables, flexibles et innovants.
- Henri Lefebvre – Le Droit à la ville
- Concept central : Le droit à la ville, comme formulé par Henri Lefebvre, implique non seulement l'accès à l’espace urbain mais aussi le droit de le produire collectivement. Il interroge les rapports de pouvoir qui traversent l’urbanisme et propose une vision de la ville comme un espace de démocratie et de participation active des habitants.
- Référence : Le Droit à la ville, 1968.
- Philippe Estèbe – Le Droit à la centralité et la justice spatiale
- Concept : Le droit à la centralité, une idée développée par Philippe Estèbe, qui fait écho à la nécessité de garantir à tous les citoyens un accès équitable aux services publics, à la mobilité et aux opportunités, indépendamment de leur localisation géographique (quartiers centraux ou périphériques).
- Référence : Estèbe, Philippe. "Le droit à la centralité : une nécessité pour la justice sociale." (2004).
- Frédéric Héran – La transition des mobilités et la ville automobile
- Concept : La transition des mobilités, du modèle de la ville automobile au développement de nouvelles formes de transports collectifs, partagés et doux, pour une ville plus durable. Héran plaide pour la réduction de la dépendance à la voiture et l'amélioration de l'intermodalité.
- Référence : Héran, Frédéric. "La ville automobile : Le modèle qui nous coûte cher." (2012).
- Sylvie Landrieu – Mobilités durables et inclusion
- Concept : Sylvie Landrieu analyse les mobilités durables comme un levier de cohésion sociale et d’inclusion, soulignant la nécessité d’un urbanisme intégrant la mobilité douce, les transports collectifs et l’accessibilité pour tous, y compris pour les populations périphériques.
- Référence : Landrieu, Sylvie. "Les mobilités au service de la transition écologique et sociale." (2015).
- David Harvey – La production de l'espace urbain
- Concept : David Harvey, géographe et théoricien social, explore les rapports entre l’espace urbain et la production des inégalités sociales. Il défend l'idée que l'urbanisme est un terrain de lutte pour la redistribution du pouvoir et des ressources.
- Référence : Harvey, David. "Le Capitalisme et la ville." (2011).
- Michel De Certeau – La pratique de l'espace
- Concept : Michel de Certeau propose une vision de l’espace urbain non comme un lieu figé, mais comme un terrain d’usage et d’invention. Il insiste sur la créativité des habitants qui, loin d’être passifs, pratiquent l’espace pour le transformer, le réinventer au quotidien.
- Référence : De Certeau, Michel. L’invention du quotidien. 1. Arts de faire. (1980).
- Félix Guattari – L’écosophie et l’urbanisme
- Concept : Félix Guattari, dans ses travaux sur l'écosophie, élargit la réflexion sur la ville en liant la question de l’espace urbain à celle de l'environnement et des relations sociales. Il propose une vision où l'urbanisme, l'écologie et la culture sont interconnectés, dans un souci de durabilité et de justice sociale.
- Référence : Guattari, Félix. Les trois écologies. (1989).
En lien avec le chapitre I - A
Transformer les métropoles européennes : innovation, durabilité et cohésion sociale
En Europe, la transformation des métropoles les plus attractives passe par la revalorisation des quartiers, la revitalisation des espaces publics et l’intégration de technologies novatrices dans les infrastructures urbaines. Ce processus inclut la restauration de bâtiments patrimoniaux, l’aménagement de zones vertes, la conception de rues-jardins, la reconversion de friches industrielles et la promotion de l’agriculture urbaine.
Les espaces naturels autour des villes peuvent offrir aux citadins des lieux de détente tout en contribuant à la régulation du climat, à la préservation de la biodiversité et à la réduction des risques naturels. Dans ce contexte d’urgence, les villes peuvent aussi repenser leurs modes de consommation. Si l’innovation architecturale favorise des transformations profondes et collectives (En France, avec les écoquartiers de Clichy-Batignolles et La Courrouze à Rennes), la sobriété pourrait bien en être l’élément clé encore manquant. (1)
Promouvoir l’économie circulaire et soutenir les structures locales d’échange permettent de réduire l’impact environnemental, de limiter les émissions de carbone et d’optimiser l’utilisation des ressources. Les espaces collaboratifs tels que les fermes urbaines, fablabs, écoles ou ateliers favorisent la proximité et le partage de compétences. Ces initiatives collectives contribuent à améliorer la qualité de vie et à cultiver un sentiment de responsabilité partagée.
« Qu'est-ce que la ville de demain ? Est-ce la ville de Jeff Bezos, dont l'entreprise pollue plus qu’un pays tel que le Portugal ? Où est-ce une ville composée d'écoquartiers tels que celui des Noé au Val-de-Reuil, qui amène à la fois une amélioration du quotidien de ses habitants tout en respectant les enjeux durables ? » (2)
Pour les partisans de la digitalisation, la ville intelligente représente l’avenir urbain. Des capteurs, des caméras et d’autres technologies connectées assurent une gestion plus fluide des flux, de la sécurité et du trafic. La géolocalisation offre, quant à elle, des données utiles au secteur touristique et aux services de sécurité. Grâce aux connexions intelligentes, les équipements urbains se trouvent plus facilement et s’utilisent de manière plus efficace, ce qui réduit les dépenses. L’intelligence artificielle, enfin, valorise les données issues des interactions quotidiennes pour affiner les politiques publiques et améliorer l’efficacité des services.
Cependant, l’avenir urbain ne se limite pas aux progrès technologiques. Il repose aussi sur la flexibilité des espaces, le renforcement des liens sociaux et la diversification des usages. Comme l’explique Sénamé Koffi Agbodjinou, architecte et anthropologue togolais : « La monofonctionnalité, c’est comme la monoculture : à un moment donné, ça assèche, ça détruit la biodiversité. » (3)
En lien avec le chapitre I - B
En France, l’opposition entre villes et campagnes apparaît dépassée
Longtemps, la pensée de l’espace a été structurée autour d’un clivage net : d’un côté, la ville – symbole de densité, de modernité, de services ; de l’autre, la campagne – perçue comme le lieu du vide, de la nature, voire du déclin. Cette opposition, héritée du XIXe siècle industriel et reprise par la géographie classique, ne correspond plus à la réalité contemporaine des territoires.
En France, les mobilités quotidiennes, le développement du numérique, la périurbanisation et l’étalement urbain ont contribué à tisser des continuités entre les mondes urbain et rural. La "diagonale du vide", autrefois citée comme l’image du recul rural, laisse place à une lecture plus fine : celle d’un gradient territorial, où se déploient des formes hybrides d’habitat, d’activités et de mobilités.
Les travaux de Martin Vanier ou de Jacques Lévy insistent sur la nécessité de penser l’espace non plus en termes de dichotomie, mais d’interdépendance. Les territoires dits “périurbains”, longtemps méprisés dans les discours savants, deviennent des laboratoires de la ville diffuse, de la transition énergétique locale, mais aussi de nouvelles formes de lien social.
Cette reconfiguration brouille les catégories établies : la campagne est traversée par des dynamiques urbaines (flux, normes, services), tandis que la ville cherche à se “ruraliser” en réintégrant la nature, l’agriculture urbaine, les circuits courts. Le télétravail, accéléré par la crise sanitaire, a encore accentué ce brouillage en déplaçant les usages vers des zones intermédiaires, parfois qualifiées de “tiers-lieux territoriaux”.
Ainsi, il devient nécessaire de penser l’urbain comme un continuum territorial, un système d’interrelations, plutôt qu’un centre dominant opposé à des marges. L’aménagement du territoire, tout comme les politiques publiques, doivent intégrer cette complexité pour répondre aux besoins spécifiques de chaque territoire sans reconduire les vieilles hiérarchies entre “métropoles dynamiques” et “campagnes en souffrance”.
« En 2024, il semble que l’État n’ait toujours pas intégré le basculement culturel qui est en cours. Comment leur dire simplement ? Les métropoles ne sont plus attractives. Chaque année, 700 000 personnes quittent les grandes villes, 200 000 pour la seule Île-de-France, et, en dix ans, Paris a perdu 120 000 habitants. À l’inverse, les territoires ruraux, les petites villes et villes moyennes attirent, et de plus en plus. Or, à un moment où les pouvoirs publics annoncent vouloir réindustrialiser, comment ne pas comprendre que c’est dans ces écoles que l’on ferme et dans les pôles d’enseignement supérieur du milieu rural que nous pourrons former les ingénieurs ou les soudeurs dont le pays aura besoin ? » (4)
Sources :
(1) In : https://www.hubinstitute.com/articles/france-ville-durable-la-sobriete-pilier-de-la-ville-durable
(2) In : https://www.ville-et-banlieue.org/mainvilliers-charte-laicite-2-27042.html
(3) In : https://www.ladn.eu/mondes-creatifs/chronotopie-architecturutopie/
(4) In : https://www.marianne.net/agora/humeurs/christophe-guilluy-les-robots-de-la-technostructure-ont-une-vision-claire-de-lavenir-de-la-france-peripherique
En lien avec le chapitre II - B
Penser l’urbain comme un continuum territorial
La notion de continuum territorial invite à dépasser les catégories rigides de “ville”, “périphérie” et “campagne”, pour envisager l’espace habité comme un système fluide, interconnecté, évolutif. Elle rompt avec l’idée d’un centre tout-puissant entouré de marges dépendantes, au profit d’une lecture réticulaire des territoires : des réseaux de lieux, de flux et de temporalités.
Du point de vue écologique, ce changement de paradigme est fondamental. La transition climatique ne peut être pensée à l’échelle de la seule métropole. Les flux énergétiques, alimentaires, hydriques ou climatiques traversent les frontières administratives. Les territoires ruraux jouent un rôle déterminant dans la régulation écologique – forêts, zones humides, sols agricoles – mais dépendent aussi des centres urbains pour les services, les marchés, les technologies.
Il s’agit donc d’entrer dans une logique de co-dépendance active, où les fonctions sont réparties, mutualisées, coordonnées. Cela suppose de sortir de la logique extractive qui voit les campagnes comme réservoirs de ressources pour les villes, et de reconnaître leur rôle dans une écologie du territoire plus équilibrée.
Sur le plan social et politique, le continuum territorial remet aussi en cause les inégalités d’accès aux services, à la mobilité, à la culture. L’idée d’un “droit à la centralité”, défendue par des géographes comme Philippe Estèbe, vise à garantir à chaque citoyen – qu’il vive à Paris, dans une ville moyenne ou dans un village reculé – un accès équitable aux services essentiels et aux droits fondamentaux.
Cela implique un changement de perspective dans les politiques d’aménagement : ne plus penser uniquement en termes de polarités économiques ou de compétitivité des métropoles, mais réinvestir l’échelle intermédiaire, celle des bassins de vie, des territoires de proximité, des communautés d’usage.
La notion de "ville du quart d’heure" peut d’ailleurs s’étendre au-delà des centres urbains : appliquée à l’échelle d’un bourg ou d’une communauté de communes, elle rejoint l’idée d’un urbanisme des proximités territoriales. La chronotopie, dans ce cadre, ne se limite pas à la ville compacte, mais devient un outil d’analyse des rythmes et des distances dans l’ensemble du tissu habité.
Enfin, ce continuum est aussi temporel : les territoires vivent à des vitesses différentes, selon des temporalités propres. Il faut composer avec cette diversité pour imaginer des formes de planification souples, adaptatives, sensibles aux usages réels.
Penser l’urbain comme un continuum territorial, c’est reconnaître que la ville ne s’arrête pas à ses murs ni la campagne à ses champs. C’est inventer une écologie politique de l’espace, dans laquelle chaque territoire trouve sa juste place et sa voix propre dans le grand récit commun de la transition.
En lien avec le chapitre I - C
Urbanisme, décision et pouvoir
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Les dimensions du pouvoir
L'architecture urbaine reflète depuis toujours des rapports de pouvoir d’ordre politique, religieux, économique ou social. Ces relations s'expriment à travers la structuration des espaces, leur symbolique et leur usage au sein des villes. L'organisation des quartiers et des bâtiments met souvent en lumière des hiérarchies sociales et économiques : les quartiers les plus aisés sont généralement distincts des zones populaires, tandis que les entreprises influentes s’installent dans des lieux stratégiques, laissant les populations marginalisées aux périphéries.
Les monuments et édifices symboliques traduisent également ces dynamiques. Les bâtiments des institutions politiques, religieuses ou économiques témoignent de leur autorité à travers une architecture imposante, tandis que les espaces publics, tels que les parcs ou les zones commerciales, sont aménagés selon des priorités qui favorisent souvent les classes dominantes, influençant ainsi le quotidien des habitants.
L’architecture urbaine est également porteuse de symboles, notamment dans le choix des styles des bâtiments institutionnels, qui visent à transmettre des messages de stabilité, de puissance ou de tradition. De plus, les décisions liées à l’aménagement des infrastructures et à la répartition des ressources reflètent fréquemment les intérêts des élites économiques et politiques.
Au-delà de sa fonction esthétique, l'architecture peut aussi être utilisée pour exercer un contrôle social. Certains espaces sont pensés pour limiter certains comportements ou faciliter la surveillance, créant ainsi des mécanismes d'exclusion ou d'inclusion. Certains lieux restent réservés à une élite, tandis que d’autres visent à être accessibles à tous.
Ainsi, l'architecture urbaine dépasse sa simple fonction physique : elle incarne et influence les rapports de pouvoir, tout en façonnant les relations entre les citadins et leur cadre de vie.
« L'architecture urbaine montre une spatialité du pouvoir dans sa structure et dans sa représentation. » Natacha Vas-Deyres
La fabrique démocratique de la ville : entre pouvoir, participation et droit à décider
La ville n’est jamais un simple agencement de bâtiments, de réseaux et de flux : elle est aussi, fondamentalement, un projet politique. Or, la manière dont elle est conçue, aménagée, gouvernée révèle les rapports de pouvoir qui la traversent. Qui décide de ce que sera la ville ? Au nom de qui, et selon quelles logiques ?
Depuis plusieurs décennies, la fabrique urbaine est largement dominée par des logiques descendantes, technocratiques ou financières. Les grandes opérations d’aménagement, les projets de rénovation urbaine, les implantations de nouveaux équipements publics ou infrastructures de transport sont souvent définis en amont, dans des cercles restreints mêlant élus, promoteurs, urbanistes et techniciens. Les habitants, eux, sont trop souvent réduits à de simples “usagers”, “consultés” une fois les grandes décisions prises.
Cette mise à distance des citoyen·nes participe d’un déficit démocratique structurel. Elle nourrit une défiance croissante à l’égard des institutions, mais aussi un sentiment d’impuissance face aux transformations du cadre de vie. Pourtant, les mouvements sociaux urbains – qu’il s’agisse de luttes contre des projets inutiles, de collectifs d’habitants, ou de revendications pour le droit à la ville – rappellent avec force que l’espace urbain est un enjeu de démocratie.
Le droit à la ville, tel que formulé par Henri Lefebvre, ne se limite pas au droit d’accéder à l’espace urbain : il implique le droit de le produire collectivement, de participer aux choix qui façonnent son évolution.
Dans ce contexte, plusieurs leviers peuvent contribuer à une repolitisation de la fabrique urbaine :
- 🔹 Replacer les habitants au cœur du processus : aller au-delà de la simple “concertation” pour inventer de véritables formes de co-conception, de gouvernance partagée, de budgets participatifs territorialisés. Certains territoires expérimentent des “ateliers citoyens”, des conseils de quartier dotés de pouvoirs réels, ou encore des démarches de design démocratique à l’échelle des projets urbains.
- 🔹 Reconnaître la diversité des savoirs : les expertises d’usage, les connaissances habitantes, les pratiques informelles enrichissent la compréhension du territoire. Loin de s’opposer à l’expertise technique, elles permettent de mieux ajuster les projets aux réalités vécues.
- 🔹 Dépasser le modèle de la commande descendante : plutôt que de penser la ville comme une réponse à un “besoin identifié d’en haut”, il s’agit d’accompagner les initiatives locales, de soutenir les communs urbains, de favoriser l’émergence de lieux auto-gérés, de projets collectifs, de solidarités de proximité.
- 🔹 Interroger le rôle du privé dans la production urbaine : la montée en puissance des grands groupes immobiliers, des partenariats public-privé, des plateformes numériques de gestion urbaine (comme les smart cities propriétaires) pose la question du contrôle démocratique sur l’espace commun. À qui appartient la ville ? Et surtout : qui en décide la forme, l’usage, les valeurs ?
La ville démocratique ne se décrète pas, elle se construit pas à pas, dans les tensions, les conflits, les compromis. Elle suppose un rééquilibrage des rapports de pouvoir, une revalorisation du local sans céder à l’enfermement, et une vision de l’urbanisme comme pratique politique vivante, et non comme une simple gestion de flux.
En réhabilitant le débat, en ouvrant les processus, en donnant aux habitants la capacité d’agir sur leur cadre de vie, on rend à la ville son sens premier : celui d’un espace habité ensemble, traversé par des choix, des valeurs, des horizons communs.
En lien avec chapitre II - A
La chronotopie, c’est quoi ?
En un mot, la chronotopie, ce concept désignant différents usages en fonction des temporalités, est-elle réalisable ?

La chronotopie est une pratique qui prend en compte à la fois les dimensions temporelles (chronos) et spatiales (topos) pour penser l'espace en fonction du temps disponible et des usages possibles, tout en tenant compte des différents publics présents. Elle permet de repenser les lieux en mutualisant les besoins ou en hybridant les usages.
- Mutualiser les espaces : Optimiser l'utilisation de l'espace pour un même usage avec différents profils d'utilisateurs, permettant une économie de construction financière et écologique. Par exemple, un parking de ville pourrait être utilisé par les résidents la nuit et par les salariés le jour.
- Hybrider les usages : Adapter un même espace à d'autres besoins que son besoin primaire. Par exemple, un restaurant d'entreprise pourrait servir de lieu de rassemblement ou de réunion en dehors des plages de repas.
- Mutualiser et hybridant : Mixer les usages, les usagers et la temporalité. Par exemple, des hôtels proposent leurs espaces comme lieu de coworking en dehors des heures d'hébergement.
La chronotopie est déjà présente dans notre société et devrait se développer davantage, notamment avec le concept de ville du quart d'heure, qui nécessite d'optimiser les lieux en les mutualisant et en les hybridant pour rapprocher les activités du quotidien dans un rayon de 15 minutes à pied ou à vélo.
"Penser la ville et les bâtiments comme des salles polyvalentes." Benjamin Pradel
In : https://fairspace.fr/amenagement/chronotopie-tendance-en-fort-developpement/

"La ville du quart d'heure" : Une ville où tous les habitants pourraient accéder à tous leurs besoins en moins de quinze minutes.
Le "zoning", cœur de l'urbanisme du XXe siècle : Carlos Moreno explique que le zoning a été le cœur de l'urbanisme du XXe siècle. Selon lui, on a choisi des lieux dans lesquels on se concentre pour travailler, des lieux dans lesquels on est heureux quand on habite, des lieux culturels. Et ça s'est traduit par la "zonification", par les longues distances. "À Paris, en 1961, on a créé la Défense, le plus grand quartier d'affaires d'Europe, à 1 million de mètres carrés. Et donc, en 1962, c'est-à-dire l'année d'après, les berges sur Seine sont devenues deux autoroutes pour relier les gens qui étaient à l'est par rapport aux gens qui étaient à l'ouest. Et on a créé, 300, 400 kilomètres de bouchons par jour. La ligne A du RER et la ligne 1 du métro, 1,2 million de passagers par jour d'est en ouest, les plus congestionnées de toute l'Europe."
En quoi consiste la ville du quart d'heure ?
Il y a six besoins qu'on devrait retrouver à un quart d'heure de chez soi : habiter dans des conditions dignes, travailler, s'éduquer, se soigner, s'approvisionner et s'épanouir. S'épanouir, c'est profiter de l'espace public avec de l'air, de l'eau, de la végétalisation, avec le moins de pollution possible ou même pas de pollution. Il faut aussi que l'espace public soit intergénérationnel, qu'il serve aux enfants, qu'il serve aux personnes âgées, qu'il y ait de l'équipement public. Et donc qu'il ne soit plus réservé pour les voitures.

En France, environ 80% de la voirie est réservée à la voiture, incluant les espaces de circulation et de stationnement, bien que les voitures ne soient utilisées que 10% du temps1. Cela montre une utilisation disproportionnée de l'espace public par les véhicules, au détriment d'autres modes de transport et usages de l'espace urbain. https://blog.inddigo.com/penser-le-changement/repenser-la-place-du-stationnement-pour-un-espace-public-reapproprie-1812/
En lien avec le chapitre II - B
« L’architecture existe parce que nous croyons en un avenir meilleur »

"Un bon bâtiment redéfinit un lieu. Un bon bâtiment apporte une nouvelle vision. Il offre également du confort mais, en même temps, il remet en question nos attentes. C'est un bâtiment qui intègre l'innovation culturelle, sociale et technologique. Et c'est un type de bâtiment qui peut être adapté, transformé ou entièrement changé dans le futur sans perdre ses caractéristiques propres." Jürgen Mayer H.
Le rôle de l’architecture : réenchanter l’espace, inscrire le temps, façonner le commun
“Un bon bâtiment redéfinit un lieu. […] Il peut être adapté, transformé ou entièrement changé dans le futur sans perdre ses caractéristiques propres.” — Jürgen Mayer H.
L’architecture ne peut plus être pensée comme l’art de bâtir de beaux objets autonomes. Elle devient, dans le contexte contemporain, un vecteur de transformation urbaine, un acteur culturel, un instrument politique. Elle ne se contente pas d’occuper l’espace : elle le qualifie, l’interprète, en fait un support de récit collectif.
Dans cette perspective, l’architecture ne vaut pas tant par sa monumentalité ou sa signature que par sa capacité à révéler les qualités d’un lieu, à créer des usages, à faire émerger des liens. Elle redonne sens à l’acte d’habiter. Un bâtiment devient un fragment de ville, un lieu de vie, un seuil entre des temporalités et des usages multiples. Il fait partie d’un écosystème spatial et social, qu’il doit nourrir, non dominer.
Face aux défis climatiques, sociaux et culturels du XXIe siècle, cette approche suppose un profond renouvellement des pratiques architecturales :
🔹 1. Une architecture sobre, contextuelle, réversible
La transition écologique impose de rompre avec l’architecture spectaculaire, gourmande en ressources, conçue comme un geste unique. L’heure est à la sobriété constructive, à l’attention portée aux matériaux biosourcés, à la ventilation naturelle, à la lumière, à la compacité, à la modularité. Une bonne architecture est désormais réversible, capable d’évoluer avec le temps, de changer d’usage sans être détruite.
Elle devient un support d’adaptabilité, qui intègre l’incertitude comme donnée de projet. Le bâtiment n’est plus figé, mais pensé comme un organisme vivant, en dialogue permanent avec son environnement et ses occupants.
🔹 2. Une architecture habitée, inclusive, ouverte au commun
Le confort ne se limite pas à des normes thermiques ou acoustiques. Il inclut la possibilité d’appropriation, de liberté d’usage, de coexistence. L’architecture devient ainsi un outil de justice spatiale : elle peut favoriser la mixité sociale, créer des lieux partagés, accueillir les différences. Elle participe de la démocratie urbaine, en offrant des espaces ouverts, accessibles, modulables, propices à la rencontre.
L’architecte, dans ce cadre, n’est plus un auteur solitaire, mais un médiateur de relations, à l’écoute des usages, des habitants, des territoires. Il travaille avec les contraintes, avec le déjà-là, avec l’invisible. Il compose plutôt qu’il impose.
🔹 3. Une architecture porteuse de récits et de temporalités
Le bâtiment peut aussi être un nœud de mémoire, un marqueur symbolique, un récit inscrit dans la matière. Il s’inscrit dans une chronotopie : il articule des temps longs (la construction, la permanence, la mutation) et des temps courts (les usages quotidiens, les rythmes de vie, les événements).
C’est cette capacité à articuler l’espace et le temps, à inscrire l’imaginaire dans le réel, qui fait la force de certaines architectures : elles deviennent des repères, des points d’ancrage, des lieux habités pleinement.
L’architecture, dans le contexte de la ville future, est donc bien plus qu’une discipline du bâti : elle est une langue, un instrument politique discret, un outil de transition au service d’une ville vivante, sobre, plurielle.
En lien avec le chapitre II - C
La “smart city” repose sur l’idée d’une ville rendue plus efficace, plus durable et plus agréable à vivre grâce à l’exploitation massive des données numériques. Capteurs disséminés dans l’espace public, gestion en temps réel des mobilités, optimisation énergétique des bâtiments, plateformes citoyennes de participation ou d’alerte : tout dans cette vision vise à produire un territoire fluide, prévisible, mesurable — et donc administrable. Cette promesse séduit de nombreuses métropoles, attirées par les perspectives de performance, de sécurité, de compétitivité économique et de réduction de l’empreinte carbone.
Mais cette approche suscite aussi des critiques, parmi lesquelles celle du chercheur Evgeny Morozov, qui met en garde contre ce qu’il appelle le “solutionnisme technologique”. Selon lui, ce modèle repose sur l’illusion que toute difficulté urbaine — embouteillages, pollution, exclusion sociale, insécurité, incivilités — pourrait être résolue par une bonne couche d’algorithmique, de design d’interfaces et de gouvernance automatisée. Or, cette réduction des problèmes à des flux de données invisibilise les causes profondes, politiques ou structurelles, des dysfonctionnements urbains. Elle tend à délégitimer le débat démocratique, en remplaçant les choix collectifs par des solutions techniques prétendument neutres.
Le risque est donc celui d’une ville gouvernée par des logiques d’ingénierie, où la technologie devient l’alpha et l’oméga de toute décision. Morozov dénonce également le rôle croissant des grandes plateformes privées dans la gestion urbaine — Google avec sa filiale Sidewalk Labs en est un exemple emblématique — qui réintroduisent des formes de privatisation de l’espace public et de captation de la souveraineté urbaine. La smart city, loin d’être une utopie partagée, pourrait alors devenir une forme douce mais insidieuse de technocratie, où la ville serait gouvernée non plus par ses habitants, mais par des systèmes opaques et des intérêts privés.
Dès lors, si la ville intelligente veut réellement être au service de ses citoyens, elle ne peut se contenter d’être une ville instrumentée : elle doit être aussi une ville politique, c’est-à-dire capable de débattre des finalités collectives que servent les technologies, au lieu de se laisser dicter l’agenda par elles.
En lien avec le chapitre III - A

https://www.aurba.org/wp-content/uploads/2020/10/aurbaAEP_urbanisme-tactique.pdf


En lien avec le chapitre III - B
Repenser les mobilités pour un urbanisme post-carbone et inclusif
La question des mobilités dépasse aujourd’hui largement celle des seuls déplacements. Elle touche à l’accès aux droits, à la structuration de l’espace, à l’inclusion sociale et à la soutenabilité environnementale. Repenser les mobilités, c’est donc réinterroger les formes urbaines, les rythmes de vie, les inégalités territoriales, mais aussi la place que l’on accorde au vivant, au temps et au corps dans la ville.
Pendant des décennies, l’organisation urbaine a été modelée par la voiture individuelle. Héritée du fordisme et du mythe de la fluidité sans friction, la ville automobile a engendré un urbanisme de la séparation : zones résidentielles, zones commerciales, zones d’activité, toutes pensées comme des entités fonctionnelles disjointes. Le résultat : un allongement des distances, une saturation des réseaux, une vulnérabilité accrue aux crises énergétiques ou sanitaires, comme l’a illustré la pandémie de Covid-19.
Face à cela, émerge aujourd’hui un paradigme de la proximité et de la diversité modale, dans lequel la mobilité n’est plus une fin, mais un moyen : se déplacer moins, mieux, autrement.
Des chercheurs comme Frédéric Héran ou Sylvie Landrieu plaident pour un basculement culturel : sortir du “tout-voiture” ne se réduit pas à ajouter des pistes cyclables, cela suppose de réduire les besoins de déplacement contraint, de favoriser la réversibilité des espaces et de redistribuer l’espace public.
La marche, le vélo, les transports en commun, les services de mobilité partagée (covoiturage, micro-mobilités) constituent les piliers d’un urbanisme post-carbone, sobre en énergie et riche en interactions humaines. Mais pour que cette transition soit juste, elle doit intégrer la dimension sociale de la mobilité : certains territoires, notamment périphériques ou ruraux, restent captifs de la voiture faute d’alternatives crédibles. Les “oubliés de la transition” risquent ainsi de subir une double peine : dépendance et précarité.
La mobilité devient ainsi un révélateur de justice spatiale : pouvoir se déplacer, c’est pouvoir accéder – à l’emploi, à la santé, à la culture, à la participation démocratique.
Dès lors, la transition des mobilités doit être conçue comme un projet systémique, inscrit dans les dynamiques territoriales. Cela implique de :
- Reconnecter les centralités secondaires (villes moyennes, bourgs) à des réseaux efficaces de transport collectif ;
- Favoriser l’intermodalité (train + vélo, bus + covoiturage) pour répondre à la diversité des besoins ;
- Déployer des services adaptés aux temporalités réelles des habitants (services mobiles, horaires élargis, tarification solidaire) ;
- Renaturer l’espace public pour le rendre accueillant aux mobilités lentes, en réduisant l’emprise de l’automobile.
Enfin, la mobilité du futur ne doit pas être capturée par les seuls acteurs technologiques (plateformes, opérateurs privés). Elle doit rester un bien commun, gouverné dans l’intérêt général, au service de la cohésion territoriale et du droit à la ville.
En lien avec chapitre III - C
Architecture et participation : vers une ville habitée, fabriquée, partagée
Si l’architecture est l’art de faire advenir des lieux, elle ne peut plus, dans le contexte contemporain, se construire sans les corps, les usages, les récits de ceux qui les habitent. Ce n’est pas seulement une question d’éthique ou de méthode, mais un enjeu de transformation radicale du rapport au bâti et à la ville.
Loin d’un geste descendant, l’architecture participative fait de l’acte de construire un processus collectif, un temps de dialogue, d’apprentissage et de confrontation. Elle revalorise les savoirs profanes, les pratiques habitantes, les gestes d’usage. Elle inscrit la création architecturale dans un mouvement d’écoute active, d’intelligence partagée, de bricolage créatif.
🏗️ Autoconstruction et réappropriation du geste
L’autoconstruction – parfois perçue comme une forme marginale ou informelle – connaît aujourd’hui un regain d’intérêt, notamment dans les projets d’habitat coopératif, les démarches de tiers-lieux, ou les projets de résilience communautaire. Elle permet de désacraliser l’acte de construire, de le ramener au niveau de la main, de l’expérimentation, du collectif.
Elle ne signifie pas forcément absence de maîtrise d’œuvre, mais renversement du rapport de commande : ce sont les habitants qui deviennent les maîtres d’usage, voire les co-producteurs. Cela permet non seulement de faire baisser les coûts, mais aussi de renforcer les liens sociaux, l’ancrage territorial, le sentiment d’appartenance.
✏️ Co-conception : fabriquer le projet avec, et non pour
La co-conception engage une posture d’humilité et d’ouverture de la part des architectes. Elle ne consiste pas à “intégrer les usagers”, mais à poser d’emblée la question du “nous” : qui conçoit ? pour qui ? comment ? Elle mobilise des outils spécifiques (cartographies sensibles, maquettes participatives, diagnostics en marchant, résidences d’architectes...), et surtout une volonté de partager le pouvoir de faire.
Ces démarches participatives permettent souvent de révéler des besoins implicites, des désirs d’usage que les méthodes classiques ignorent : des coins pour se poser, des usages interstitiels, des temporalités hybrides. Elles nourrissent une architecture moins normative, plus ancrée dans le réel.
🧩 Tiers-lieux : espaces d’expérimentation spatiale et démocratique
Les tiers-lieux incarnent cette hybridation entre architecture, société et projet collectif. Ni tout à fait publics, ni tout à fait privés, ils permettent de tester de nouvelles formes d’occupation, de gestion et de transformation de l’espace. Ateliers partagés, cafés associatifs, friches culturelles, fabriques numériques : autant de lieux où se tisse une culture du faire-ensemble, qui préfigure une autre manière d’imaginer la ville.
Dans ces lieux, l’architecture n’est pas figée : elle est évolutive, temporaire, ouverte à l’appropriation. Elle se fabrique dans le temps, au rythme des usages. Elle devient un outil souple, capable d’accueillir l’imprévu, de se prêter à la mutation.
⚖️ Un enjeu de justice spatiale et de reconnaissance politique
Au fond, relier architecture et participation, c’est poser la question du pouvoir d’habiter. Qui a le droit de transformer son cadre de vie ? Qui a voix au chapitre ? La participation ne doit pas être cantonnée aux dispositifs institutionnels, souvent formels ou instrumentalisés, mais devenir un droit urbain, une condition de l’égalité démocratique.
Faire de l’architecture un acte partagé, c’est ouvrir la ville à celles et ceux qui la vivent, la rêvent, la bricolent au quotidien. C’est redonner au geste de construire sa dimension politique, sensible, joyeuse.
Architecture et utopies
Pour l’architecte togolais Sénamé Koffi Agbodjinou, il est urgent pour l’Afrique d’affirmer un modèle urbain qui lui permette de renouer avec ses racines, mais en modernité.
Sénamé Koffi Agbodjinou, un architecte togolais, est à la fois visionnaire et pragmatique. Son projet "Hubcité" encourage les habitants d'un quartier de Lomé à développer des start-up numériques pour améliorer leur communauté. Toutefois, il s'inquiète de l'urbanisation rapide en Afrique, craignant la création de mégapoles incontrôlables. Il appelle à repenser les modèles urbains occidentaux et à développer des villes durables, en tenant compte des réalités anthropologiques africaines. Son idéal de "ville néovernaculaire africaine" mêle traditions locales et innovation digitale pour une ville plus intelligente, durable et démocratique, mais il met en garde contre la domination des géants du numérique occidentaux.

« Il faut penser un nouveau schéma de cité qui ne fasse pas violence à la ruralité, car cette dernière est constitutive de la personnalité africaine et de notre conception de la société. » Sénamé Koffi Agbodjinou
Le projet Tétrodon
C’est dans le cadre du projet d’aménagement touristique du littoral aquitain que le projet Tétrodon, primé lors du concours Programme Architecture Nouvelle avec un habitat de loisirs économiques, sera mis en œuvre pour le VVF de Claouey. Les Tétrodons seront réalisés en série jusqu’en 1973 mais la crise pétrolière stoppe la production de ces constructions trop dépendantes de la production de plastique.

En lien avec la Conclusion
Un futur pluriel


Découvrez comment les termites ont inspiré un bâtiment capable de se refroidir lui-même.
Architecture et IA
Naço Architectures, sous la vision innovante de Marcelo Joulia, est fière de présenter un projet sans précédent qui redéfinit l'intersection entre l'art et l'architecture. Nous avons cherché à fusionner les idées de grands architectes avec celles de grands artistes, créant ainsi des structures hybrides qui sont autant des hommages que des innovations. Notre ambition est de transcender les frontières conventionnelles de la créativité, faisant tomber les barrières entre l'architecture et l'art, en brouillant les lignes entre la forme et la fonction. Notre équipe a utilisé des technologies de pointe d'intelligence artificielle générative pour nous aider à donner vie à ces visions. Ces systèmes ont été alimentés par une riche connaissance des styles et des travaux des plus grands architectes et artistes du monde, leur permettant de générer des designs incroyablement uniques et avant-gardistes qui sont une fusion des deux. Ce n'est pas seulement un projet, mais une célébration de la créativité humaine, une exploration audacieuse des possibilités offertes par la technologie et une déclaration audacieuse sur l'avenir de l'architecture et de l'art. Il représente notre désir collectif d'aller au-delà de ce qui a déjà été fait, pour repousser les limites de ce qui est possible et pour créer quelque chose de vraiment nouveau et inspirant.

Projet ZERO - HYBRIDATION
À l’Arsenal, une expo charabia pour vraiment prendre soin de la planète…

« Que des architectes réfléchissent et créent des prototypes, c’est tant mieux et une preuve de curiosité mais qu’ils cessent de justifier chacun de leurs travaux au nom du sauvetage de la planète. Si c’est bien leur intention, face aux enjeux qui se profilent, le sens des proportions s’impose et la modestie est un bon début ». Christophe Leray