Eutopies, Solarpunk, ou la SF porteuse d'espoir
« Découvrons des écrivains qui voient clair dans notre société sinistrée par la peur et ses technologies obsessionnelles, qui envisagent d'autres façons d'être. Des écrivains qui envisagent même de réelles fondations pour l'espoir. » Ursula K. Le Guin
Ce sont des îles lointaines, des cités perdues où règne l’harmonie.
Ne cherchez pas ces lieux sur les cartes : ils n’existent pas. La Renaissance voit l’émergence d’un genre littéraire et philosophique qui consiste à décrire des utopies. Le mot et la chose ont été créés en 1516 par le philosophe anglais Thomas More (1478-1535).
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Le terme utopie est composé de la préposition négative grecque "ou" (non) et du mot "topos" (lieu). Le sens d'« utopie » est donc, approximativement, « hors-lieu », «qui ne se trouve nulle part».
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Le terme homophone eutopie, quant à lui, a été créé en combinant les mots grecs "eu" (bon) et "topos", signifiant littéralement «Lieu du bon, du bonheur».
Seul le premier de ces deux termes est passé à la postérité, mais ils n'en sont pas moins complémentaires pour décrire l'originalité de l’Utopia de More. En effet, cette œuvre est d'une part un récit de voyage et la description d'un lieu fictif (utopia) et d'autre part un projet d'établissement rationnel d'une société idéale (eutopia), fondée sur des lois justes qui favorisent l'égalité entre les citoyens.
« L'Utopie est l'un de ces écrits versatiles, à la fois sérieux et facétieux, qui présentent un autre visage à chaque nouvelle génération et qui répondent différemment aux questions qui leur sont adressées. » Extrait de la préface signée par Robert M. Adams.
Lorsque l'utopie entre en scène, elle nous ouvre les portes vers des mondes imaginaires où l'humanité atteint son apogée, des lieux où les problèmes et les conflits sont résolus et où le bonheur règne en maître. À Utopia, nous découvrons la cité idéale, géométrique, qui doit également refléter l'idéalité sociale.
De l'utopie à la dystopie
L'idée de progrès de l'homme est une des idées fondamentales du siècle des Lumières. En faisant miroiter loin sur la ligne du temps une utopie crédible et attractive, elle faisait qu’on retroussait les manches et, surtout, elle donnait l’envie d’avancer ensemble. En somme, croire au progrès, c’était accepter de sacrifier du présent personnel pour fabriquer du futur collectif. *
Ce mythe du progrès a accompagné tout l'essor de la modernité. Mais au 20e siècle, les utopies cèdent la place aux dystopies, du grec "dus" (difficulté, malheur), élément préfixal qui exprime une idée de mauvais état. Plus qu'une utopie qui tourne au cauchemar, la dystopie est une critique de l'utopie comme fondement et justification des systèmes totalitaires. Ainsi, le régime nazi s'ancrait dans une utopie suprémaciste raciale, et l'URSS reposait sur une utopie communiste. C'est un siècle de désillusion, marqué par la prise de conscience que le progrès des sociétés humaines n'est ni inéluctable ni linéaire.
Au 21ᵉ siècle, l'idée de progrès est de plus en plus ambivalente. Les activités humaines détruisent les écosystèmes et la biodiversité, et le sentiment d'habiter un "lieu en mauvais état" se répand. Adam Frank, astrophysicien à l'Université de Rochester, pense qu'il peut être difficile pour toute biosphère qui développe une civilisation industrielle à l'échelle planétaire d'éviter les scénarios de grandes perturbations. **
Ouvrons les champs du possible
Dans ce blog, nous apprécions les dystopies critiques qui pointent les problèmes de société, mais sans pour autant tomber dans le fatalisme. Nous croyons qu'il existe de nombreuses initiatives et mouvements qui peuvent apporter des changements positifs. Que l'on envisage une société idéale, ou juste « un bon lieu pour vivre », l'objectif est de transformer notre regard sur le monde vivant, de parler de nos biais humains, d'encourager la réflexion et de faire des choix conscients pour améliorer la société. Nous pensons qu'il est temps de se pencher sur le courant du solarpunk et sur les récits d'eutopies souhaitables, qui ont le mérite de projeter des narrations d'avenir résilient, sans prétendre instaurer une société parfaite ou le bonheur pour tous.
Dossier et point de vue :
« C’est étonnant de constater que la cabane soit devenue le seul horizon de l’alternative, avec son jardin collectif et permaculturé. Conquête de Mars, ville intelligente : l’imaginaire a été récupéré par les dominants ». Alice Carabédian