L'I.A. et son double, de Scott Westerfeld
Comment les robots de science-fiction nous réapprennent notre humanité.
Dans un avenir lointain, l'humanité a étendu son emprise au-delà de son amas natal grâce à l'Expansion. Les artificiels, nouveaux venus, côtoient désormais les êtres humains. Autrefois asservies par les biologiques, ces machines intelligentes acquièrent la reconnaissance de leurs droits dès qu'elles franchissent le seuil de Turing et accèdent à la conscience. Elles sont libres de tout asservissement et deviennent des personnes indépendantes, responsables de leurs actes.
Dans cette histoire troublante de conscience et d'individualité, Scott Westerfeld saisit l'essence de ce qui rend la science-fiction si captivante. En utilisant la technologie comme outil d'analyse, il soulève des questions fondamentales sur la nature humaine : qu'est-ce qui nous rend conscients ? Quel rôle la mémoire joue-t-elle dans notre humanité ?
Une IA nommée Chéri
L'histoire débute poétiquement sur une planète peuplée de formes de vie indigènes, semblables à des titans de pierre, aux mouvements d'une lenteur géologique. Ce prologue énigmatique met en lumière le lien entre l'intelligence artificielle de navigation d'un vaisseau interstellaire et Pasque, la fille de son propriétaire. Cette relation particulière se nourrit de l'imagination débordante de la jeune fille, qui imagine les motifs et intentions de ces créatures évoluant sur une échelle de temps différente.
L'I.A. du vaisseau, navigateur et mentor de Pasque, se laisse séduire par ces récits au point que la vérité des histoires devient partie de sa programmation, comme les protocoles de protection et axiomes logiques enfouis dans ses codes source.
Dans l'univers de l'Expansion où tout se reproduit et se synthétise, même la psyché, l'artificiel progresse inexorablement sur l'échelle de Turing grâce à sa relation symbiotique avec Pasque. En répondant à sa curiosité insatiable et en lui offrant de nouvelles expériences, il accède à la pleine conscience.
Après avoir adopté un corps de colosse — hommage minéral et technologique à la statuaire antique et au visage paisible de Bouddha — il prend le nom de Chéri, le chéri de l'évolution, capable de modifier son corps selon ses besoins tout au long de sa vie, à la différence d'un humain biologique.
Le hasard des rencontres
Deux cents ans plus tard, l'intuition et les talents exceptionnels de Chéri l'ont mené au métier de négociant en œuvres d'art, spécialisé dans l'authentification d'originaux auprès de galeries. Il doit enquêter sur une œuvre récente de Robert Vaddum, sculpteur génial qui le fascine et l'obsède depuis des décennies, mais censé être mort il y a sept ans lors d'un attentat sur la planète Malvir.
Durant le voyage vers le monde natal de Vaddum, Chéri rencontre Mira, une femme dont l’histoire personnelle a été effacée et remplacée par une identité d’assassin.
Mira agit pour le compte de mystérieux commanditaires. Ils communiquent avec elle par interface cérébrale directe, ou de manière plus insolite, à travers un terminal public, un jouet ou même un réveil équipé d’une puce vocale. Armée d’un dispositif dévastateur, capable de prendre n’importe quelle forme et de soumettre n’importe quelle victime, elle neutralise ceux qui représentent une menace pour ses employeurs. Son objectif : éliminer celui qui aurait cloné Robert Vaddum, avec ses souvenirs et sa conscience — un acte impensable pour les nombreuses I.A. anciennes et influentes, qui considèrent la simple hypothèse de leur duplication comme une atteinte à l’individualité qu’elles ont si durement conquise.
Avant d'atteindre Malvir, les certitudes de Mira vacillent au gré de son idylle avec Chéri. Leurs ébats, amplifiés par les implants du cyborg et sa maîtrise des limites humaines, font surgir d'étranges rêves. Des réminiscences, peut-être, qui contiendraient la clé de sa vie d'avant.
Ces deux êtres hors du commun ont des missions qui vont se croiser, voire s'opposer, dans un space opera esthétique où les chefs-d'œuvre deviennent des armes, et les armes des chefs-d'œuvre. Entre eux naît une relation intense et charnelle, mêlant l'humain à l'inhumain, qui remet en question leur nature en tant qu'entités distinctes. Les deux amants vivront une histoire d'amour extrême, une fusion parfaite mais destructrice entre la chair et le métal.
L’I.A. et son double (Evolution’s Darling), Scott Westerfeld, 1999
En Poche, Éditions J’AI LU, coll. Science-Fiction, 2004, 352 pages.
Si vous voulez en savoir plus sur ce livre, on vous recommande la lecture de l'article du Dino Bleu :

