Imaginaires du steampunk à la française

Le steampunk, comme la machine à vapeur (steam) qui l’inspire, fonctionne par expansion : il produit toujours plus de récits, de textes, de noms et de mondes fictifs pour dépasser son origine historique (l’ère victorienne et le Paris du IIIe Empire). Ce foisonnement alimente une dynamique romanesque fondée sur l’énergie et le déplacement. Il privilégie l’imaginaire de la machine et revendique une filiation avec Jules Verne.
Pour que la fiction steampunk puisse se mettre en place, la révolution industrielle y survient plus tôt que dans notre Histoire, parfois dans une période historique identifiable, parfois dans une uchronie. Les technologies y sont souvent des extrapolations poussées à l'extrême ou des versions « fantasystes » des inventions de l'époque. Les machines deviennent monumentales, les dirigeables titanesques, les villes mécaniques, les sous-marins majestueux, les châteaux ambulants… Partout, rouages, poutrelles et boulons demeurent présents et visibles, comme autant de preuves de l’ère de la machine triomphante.
Avec le steampunk, nous sommes dans un mélange des genres, avec des références à la littérature populaire du XIXe siècle, de l'intertextualité, de l'uchronie et du collage. Le terme "steampunk" a émergé peu après l'essor du cyberpunk et lui a emprunté son suffixe "punk" pour marquer une rupture avec la science-fiction traditionnelle. Il se tourne vers le passé, historique ou alternatif, plutôt que vers le futur proche comme son cousin technologique. Considéré aujourd'hui comme un genre à part entière, distinct du cyberpunk, le steampunk incarne les métamorphoses contemporaines de la science-fiction, en particulier par son usage fécond de l'uchronie et son goût pour le détournement rétrofuturiste.
Il nait de la plume de trois écrivains californiens — K. W. Jeter, Tim Powers et James P. Blaylock — amis et passionnés par l’Angleterre victorienne. Tous trois imaginent, chacun à leur manière, des intrigues se déroulant dans un XIXe siècle alternatif, nourri de références à Dickens, au roman populaire, et à une science-fiction archaïque teintée de fantastique. K. W. Jeter publie Morlock Night en 1979, une suite non officielle de La Machine à explorer le temps de H. G. Wells. Tim Powers signe en 1983 Les Voies d’Anubis, roman de voyage temporel aux accents mystiques. James P. Blaylock, quant à lui, propose avec Homunculus (1986) une satire délirante, où divers personnages lancés dans une course absurde convoitent une étrange créature dans le brouillard londonien. Dans ces récits, le cadre historique n’est pas une fin en soi, mais le levier d’une fiction où tout devient littéralement possible. C’est Jeter qui, en 1987, proposera le terme « steampunk » pour désigner ce genre émergent. "Il s’agit d’une allusion ironique au genre cyberpunk, le steampunk a été créé à partir de cette simple boutade. En effet, le steampunk est beaucoup moins « sérieux » que le cyberpunk, de fait de l’humour, des anachronismes, des personnages hauts en couleur (parfois grotesques) présents dans les livres du trio d’auteurs que nous venons d’évoquer." (1)
Plusieurs auteurs notables prolongeront cette veine : William Gibson et Bruce Sterling (La Machine à différences), Paul Di Filippo (La Trilogie steampunk), J. Gregory Keyes (La tétralogie de L'Âge de la déraison).
Cependant, au-delà de sa seule esthétique, le steampunk s'est développé comme un genre influent dans divers domaines culturels, y compris les jeux de rôle, et a également trouvé un écho notable dans la littérature, notamment sur la scène française. En France, le steampunk a bénéficié d'un terreau fertile, nourri par un imaginaire mêlant histoire revisitée et merveilleux scientifique, dans la lignée de certains précurseurs hexagonaux. Le genre a été accompagné par plusieurs auteurs, dont certains se sont particulièrement illustrés dans les années 1997 − 2004, et le steampunk à la française s'est ainsi transformé en un véritable laboratoire alchimique de récits.
Une sélection des œuvres de cette période, accompagnée d’extraits de chroniques, est présentée ici par ordre chronologique de publication.
1997 – Mathieu Gaborit, Bohème
« Un roman tout de bruit et de fureur… Mathieu Gaborit a inventé tout simplement le steampunk à la française : racé, baroque et séduisant… » (Jacques Baudou, Le Monde des Livres). Après la révolution industrielle, l'Europe a été submergée par une substance étrange et dangereuse, l'écryme. Reliées par le fragile réseau des traverses d'acier, seules quelques cités gouvernées par l'aristocratie capitaliste émergent dans cette mer corrosive. "Avec une grande efficacité et un non moins remarquable sens du mystère, Mathieu Gaborit s'acquitte avec les honneurs de la tâche de faire vivre de manière convaincante ce monde à la fois singulier et familier. Boyard concupiscent, révolutionnaires téméraires et contrefaits, conspirateurs cyniques, pierrots lunaires tueurs, croquemitaines en pagaille — tous plus effrayants les uns que les autres — , rien ne manque pour satisfaire le besoin d'étrangeté que suscite l'atmosphère du roman. Mathieu Gaborit réussit l'hybridation des imaginaires anciens et modernes et il enchâsse l'ensemble dans un univers onirique où les émotions s'incarnent dans des rêves ou des cauchemars. C'est cette matière qui constitue le véritable point fort de Bohème." Laurent LELEU - Première parution : 1/7/2008 dans Bifrost 51 - Mise en ligne le : 20/9/2010
1997 – Sabrina Calvo, Délius, une chanson d’été
En cette fin de XIX e siècle, une série de meurtres secoue le monde. Fait curieux, les victimes, bien qu’atrocement mutilées, arborent toutes un sourire de ravissement béat ; l’enquête, plutôt que d’être confiée à Sherlock Holmes, échoue entre les mains de Bertrand Lacejambe. Serait-il policier ? Détective ? Ni l’un ni l’autre, puisqu’il exerce la noble profession de botaniste – même s’il possède également un talent de déduction certain, dont il œuvre dans son laboratoire pour tenter des expériences autour des fleurs qu’il adore. Si on lui confie l’enquête, c’est parce que les victimes du tueur ont pour point commun d’avoir leurs cadavres remplis de fleurs rares. Le meurtrier y trouve un surnom — le Fleuriste – et Lacejambe une mission, partagée avec son fidèle acolyte Fenby : découvrir l’identité et les mobiles du criminel.
« Délius, une chanson d’été, le premier roman de Sabrina Calvo, fut une merveilleuse révélation au moment de sa publication. Les aventures marseillaises de Bertrand Lacejambe sont un splendide exemple de ce qu’offre le steampunk. En évacuant la nécessité de créer une fiction « plausible » par l’utilisation d’un univers fictionnel référentiel, ce roman devient le réceptacle d’une inventivité aussi belle que poétique. Avec David Calvo, le steampunk francophone s’émancipe : il montre qu’il peut quitter le roman d’aventures pour devenir l’étrange véhicule d’une sensibilité toute personnelle. » in : Tout le steampunk ! de Étienne Barillier et Raphaël Colson
1999 – Michel Pagel, L’Équilibre des paradoxes
France 1904, le temps s'affole et régurgite sans aucune logique apparente un soldat de l'armée d'Attila, un cyborg, un extraterrestre et bien d'autres personnages improbables dont les agissements risquent de déclencher la Première Guerre mondiale. A moins qu'un groupe de hardis aventuriers ne trouve la clef du mystère et réussisse à rétablir l'équilibre des paradoxes.
"C'est probablement le meilleur roman français de ce qu'il est convenu d'appeler le courant steampunk. C'est-à-dire des récits de science-fiction prenant pour cadre le XIXe siècle. Écrit dans le style de l'époque, mélangeant articles de journaux, mémoires, lettres, etc., l'histoire est aussi cocasse que passionnante. Lorsqu'une hippie dépenaillée tente d'expliquer sa philosophie de la vie à une bourgeoise du XIXe corsetée, le choc des langages et des cultures est franchement savoureux. Ce livre se dévore avec délectation. Un pur plaisir. Les amateurs de Gaston Leroux ou de Maurice Leblanc goûteront la prose de Michel Pagel comme un grand cru retrouvé." Jean-François THOMAS - Première parution : 24/8/2004 dans le quotidien suisse "24 Heures" - Mise en ligne le : 3/3/2009
1999 – Fabrice Colin & Mathieu Gaborit, Confessions d’un automate mangeur d’opium
"Après le réjouissant Equilibre des paradoxes de Michel Pagel, voici un autre très bel exemple de steampunk conjugué à la française : un roman situé dans un Paris de 1899 totalement décalé par rapport à notre passé, un Paris dominé par la tour Eiffel, fêtant les merveilles de l'Exposition universelle, mais envahi d'engins volants, de passerelles en fer forgé, de coupoles d'envol, de mécaniques grinçantes et d'automates étonnants. Ecrites à quatre mains par deux des plus talentueux jeunes auteurs de l'écurie Mnémos, ces Confessions d'un automate mangeur d'opium sont une œuvre enthousiasmante d'imagination rétro, de délires feuilletonesques (ah, l'enlèvement sur la Seine et la course-poursuite qui s'ensuit ! Et les sous-sols du terrifiant docteur Posthumus !) et d'énergie narrative. Pas un instant l'intrigue ne faiblit, Margo et Théo cavalent à travers tout Paris, à la recherche d'une vérité toujours plus inquiétante. De nombreux indices sont livrés au lecteur, que cela soit dans le cours de l'enquête proprement dite, ou lors de songes prémonitoires de Margo (toujours l'attrait de Colin pour le domaine des rêves, je suppose). Parfaitement maîtrisée, l'écriture de ce roman s'avère d'une élégance idéale pour le genre steampunk : un mélange d'archaïsmes charmants et de vigueur actuelle." André-François RUAUD - Première parution : 1/12/1999 dans Bifrost 16 - Mise en ligne le : 10/1/2002.
Leur Paris alternatif, traversé par des conspirations, des automates hallucinés, des figures d’ombres et de lumière, donne le ton : la veine steampunk n’est pas simple pastiche, mais invention baroque d’un réel bifurqué, hanté par les fantasmes technologiques d’un autre siècle.
2000 – Johan Heliot, La Lune seule le sait
Dans le sillage vaporeux de ce duo, Johan Heliot s’est emparé du genre avec une verve politique et satirique. Sa trilogie de la Lune imagine une uchronie où le Second empire de Napoléon III est toujours debout, victorieux, imposant sa domination à une grande partie de l'Europe. L’uchronie se fait ici critique sociale autant que jeu littéraire. La machine devient instrument de domination, et le steampunk, un théâtre pour rejouer les tensions de l’histoire nationale.
"Premier volet d’une trilogie, Dans La Lune seule le sait (prix Rosny Aîné 2001), un vaisseau extraterrestre s’amarre à la tour Eiffel lors de la clôture de l’Exposition universelle de 1889. Grâce à la technologie des Ishkiss, le Second Empire de Napoléon III devient la nation la plus puissante au monde. Les connaissances des humains permettent aux vaisseaux organiques et vivants, fatigués par un long voyage interstellaire, de survivre. Despote quasi immortel, ivre de pouvoir, Napoléon III sombre lentement dans la folie depuis l’assassinat de l’impératrice et de leur fils en 1873. Le peuple souffre. Face à lui, Victor Hugo, exilé sur l’île de Guernesey, orchestre la résistance et recrute Jules Verne pour sauver Louise Michel du bagne construit dans les entrailles de la Lune. Le peuple Ishkiss partage une forme de conscience et d’intelligence collective et ses processus décisionnels, démocratiques, donnent la parole à tous ses membres. Louise Michel, parvenue à convaincre certains extraterrestres de la nécessité de ne plus soutenir un régime oppressif, fomente une révolution sélénite, mais pour la voir aboutir, il faudra l’appui des Ishkiss vivants sur la face cachée de la Lune. Pour son premier roman, Johan Heliot réhabilite la Commune de Paris et met en lumière la figure de Louise Michel." Karine GOBLED - Première parution : 1/7/2019 dans Bifrost 95 - Mise en ligne le : 3/11/2023
2000 – Francis Valéry, La Cité entre les mondes
"Ce petit bijou de roman uchronique est un récit à la manière de Jules Verne : on y suit les tribulations d'un professeur, secondé d'un jeune journaliste, mélange de Tintin et de Rouletabille. Le cadre colonialiste (celui de l'Afrique des hommes-léopards), les sociétés secrètes, les méchants chinois font de ce récit un pastiche du roman d'aventures typique du début du siècle. Les rebondissements en tous genres, étayés par le recours aux connaissances scientifiques de l'époque (mais quelle époque au juste ?) y ajoutent le nécessaire zeste de science-fiction : rencontre avec des E.T. télépathes, des dinosaures... L'on y découvre également un sanctuaire édifié par une société extraterrestre quand les hommes n'étaient que des préhominiens (cela ne vous rappelle pas un certain monolithe ?).
Ce roman est représentatif du courant steampunk. Ici, Agatha Miller (alias Christie) côtoie Oppenheimer, et Einstein est contemporain d'un étonnant éléphant construit à Paris par Eiffel. Personnellement, bien que déçue par mes précédentes incursions dans le steampunk, trop artificiel à mon goût, je me suis bien amusée en lisant ce roman. Ici le style "début du siècle" donne à cette histoire un fumet de déjà lu (revendiqué par l'auteur) pour ceux qui aiment Jules Verne. Francis Valéry est son digne successeur, mais heureusement il ne se prend pas au sérieux." Françoise BOUTET - nooSFere
2002 – Thomas Day, L’Instinct de l’équarrisseur
"Du Londres victorien à Londen – où réside Sherlock Holmes et où les humains cohabitent avec les Worsh, sortes d’oursons attendrissants à l’origine d’avancées technologiques –, de Cuzco au Machu Picchu en passant par une vallée perdue – défendue, comme il se doit, par des dinosaures –, de la Cité interdite de York à un atterrissage imprévu sur un gâteau de mariage dans une maison de retraite au cœur de la campagne anglaise, vous verrez du pays avec L’Instinct de l’équarrisseur !
Thomas Day nous emmène sur les pas de Conan Doyle à la poursuite de Jack l’Éventreur. Deux fois, même, car au diable l’avarice quand on est en bonne compagnie, avec Oscar Wilde dans un monde, Sherlock Holmes et le docteur Watson dans l’autre, excusez du peu. Choisi par Holmes pour rendre compte de ses enquêtes, son alter ego ayant tragiquement disparu dans un accident de charrette de fumier, Doyle se retrouve à naviguer entre deux mondes parallèles, embarqué dans des aventures épiques par un Watson ventripotent, gouailleur, inventeur génial (quoique ses prototypes laissent à désirer pour ce qui est des atterrissages) et capable d’utiliser ses Colts en plein restaurant pour venir à bout d’un crabe gargantuesque. La personnalité de Holmes est néanmoins bien plus ambiguë, voire monstrueuse, que celle du personnage de papier que l’écrivain Doyle crée dans son propre monde (« Le mal par le mal », le définit-il sobrement). Assassin royal prenant plaisir à tuer, il vit en couple avec Shari, femme forte dont la beauté et l’étrangeté le séduisent autant qu’elles l’intriguent…
En guise d’entractes, on suit E. « Shiva » Worrington, dont les crimes n’ont rien à envier en sauvagerie et en horreur à ceux de son maître et compagnon Moriarty, dans sa conquête du Machu Picchu. Sa rencontre avec Jack London, qu’elle recrute comme mercenaire à cette occasion, la déstabilise et fait d’elle une pièce maîtresse dans la bataille qui voit s’affronter une dernière fois Holmes et Moriarty pour la possession d’un vaisseau interstellaire.
L’Instinct de l’équarrisseur déborde de monstres, de gore, de sexe, de repas arrosés et de gueules de bois, de collectionneurs d’images animées de dinosaures, d’oursons qui confondent les piles ZX81 avec les ZX83 (c’est fâcheux : « elles font exactement la même taille, mais les 83 sont dix fois plus puissantes, avouez que c’est trompeur. »), d’attaques d’aérostats… Rythme effréné, personnages truculents, c’est un feu d’artifice permanent. Thomas Day joue à nous faire éprouver une large palette d’émotions, l’horreur de certaines descriptions étant amortie par des passages d’une trivialité réjouissante.
Roman aussi référentiel et documenté que drôle et déjanté, L’Instinct de l’équarrisseur propose, au travers d’une quête de l’immortalité et du pouvoir, une réflexion sur ce qui caractérise l’humanité et sur les actes qui conduisent à sa perte. Et quand il s’achève sur un projet grandiose et une dernière boutade, on n’a qu’une envie : que Thomas Day nous replonge dans de nouvelles aventures de Watson et Doyle !" Estelle BLANQUET - Première parution : 1/10/2020 dans Bifrost 100 - Mise en ligne le : 16/6/2024
2002 – Hervé Jubert, Le Quadrille des assassins
"Dans le futur, on a reconstitué certaines villes du passé pour la joie des touristes. Ceux-ci ont ainsi la possibilité de séjourner dans le Londres du XIXe siècle, dans le Paris du XVIIe siècle... Ces cités, créations très prisées du puissant comte Palladio, sont pourtant un jour le décor de crimes atroces. Roberta Morgenstern, une sorcière, est chargée de mener l'enquête, accompagnée de Clément Martineau, un jeune policier fraîchement émoulu. Il connaît les procédures sur le bout des doigts, elle n'en a cure. Ce couple détonnant va apprendre à travailler ensemble, tout en démêlant les fils de ce qui, au long du roman, ressemble de plus en plus à un complot visant à invoquer le diable... Ce roman publié dans une collection pour les adolescents est un savoureux mélange de science-fiction (les villes recréées, les gadgets technologiques...), de fantastique (le personnage de la sorcière, l'apparition de vampires...), d'aventures échevelées (qui nous mèneront de Londres à Paris puis à Venise et au Mexique) et d'humour (le gaffeur Martineau et la bourrue Roberta). On n'a donc pas le temps de s'ennuyer durant les quatre cents pages de ce roman, et on admire l'inventivité de son auteur, dont on avait déjà apprécié le talent dans des œuvres proches, comme la série de la Bibliothèque Noire. Ici, on retrouve son attrait pour le rocambolesque, le steampunk, les machinations, les clins d’œil au lecteur : dans la Bibliothèque Noire, le personnage pénétrait dans des romans. Ici, Roberta se voit dire par son supérieur : « Vous n'êtes même pas censée exister, Roberta. Sinon dans les livres d'enfants. »
Bref, un très bon roman pour les adolescents, parfois un peu complexe, parfois un peu violent pour le public visé (la scène d'ouverture, un viol raconté avec force détails), mais intelligent et hautement délassant. Que demander de plus, si ce n'est la date de parution du second tome des aventures de l'improbable mais très efficace couple Martineau / Morgenstern ?" Bruno PARA - Première parution : 26/10/2003 - nooSFere
La Trilogie Morgenstern est un cycle composé de trois volumes : Le quadrille des assassins, Un tango du diable et Sabbat samba. « Une gigue endiablée qui confirme l'exceptionnel talent de son ordonnateur. N'hésitez pas, entrez dans la danse... » Jacques Baudou, Le Monde.
2003 – Pierre Pevel, Les Enchantements d’Ambremer
Ce premier tome du Paris des Merveilles mêle avec aisance les genres et les esthétiques pour offrir une lecture à la fois riche, récréative et captivante, dans l’esprit des grands romans-feuilletons. Il inaugure un univers original de steam-fantasy, promettant aux amateurs de steampunk comme de fantasy le début d’une série réjouissante au rythme enlevé.
"Début du siècle dernier, le Paris de la Belle Epoque revu et corrigé par la magie... Contaminé par l'Outre Monde, celui des fées, dragons et licornes... Un univers sympathique mais menacé.
Louis Denizard Hyppolyte Griffont, mage du Cercle de Cyan et personnage principal, va se retrouver au cœur d'un faisceau d'événements majeurs. Emprunter un livre pour une amie et enquêter sur un tricheur de carte recourant à la magie vont le propulser dans les intrigues qui menacent le trône d'Ambremer, le royaume magique. Des aventures où il retrouvera sa femme, Isabel de Saint Gil, aventurière et cambrioleuse, espionne à ses heures... Inutile de vous conter ici par le menu le roman dont l'intérêt tient dans les péripéties et autres rebondissements enchaînés avec un zeste d'humour.
Pierre Pevel [...] se veut l'héritier des feuilletonistes du XIXe , Zévaco, Ponson Du Terrail et surtout Alexandre Dumas en qui il voit un maître. Griffont se joindra volontiers aux Pardaillan, Rocambole, Arsène Lupin et compagnie. En termes d'écriture, Pevel gagne son pari haut la main ; l'action se déroule toute seule, sans temps mort même si l'on n'assiste à aucune course poursuite en De Dion-Bouton. Par contre se pose la question de savoir si l'introduction massive de fantasy dans le récit ne le boutera pas hors de la tradition du roman-feuilleton à laquelle il aspire. Ces éléments ne priveront-ils pas ce livre de la reconnaissance des amateurs nostalgiques des feuilletonistes ? Ce serait dommage [...] Dans la tradition du roman feuilleton, Les Enchantements d'Ambremer est un pur divertissement où la fluidité de l'écriture concourt à un réel plaisir." Jean-Pierre LION - Première parution : 1/1/2004 dans Bifrost 33 - Mise en ligne le : 1/3/2005
2004 – Xavier Mauméjean, La Vénus anatomique
"Nous sommes au milieu du XVIII e siècle, époque où l'exaltation culturelle, à la faveur des Lumières, préfigure l'exaltation politique... Le chevalier Julien Offroy de la Mettrie, médecin philosophe, coule des jours paisibles mais désargentés dans la bonne ville de Saint Malo. Jusqu'à ce qu'un étrange personnage vienne le quérir pour une non moins étrange mission, mission pour le service du roi que de la Mettrie devine ne pouvoir refuser. Le voici en route pour Paris, ville-phare, ville piège, où, en compagnie du biomécanicien Jacques Vaucanson et d'Honoré Fragonard (cousin du peintre), il se voit éclairé sur la nature de sa mission. Les trois comparses devront, à la cour berlinoise de Frédéric II, participer au plus curieux des concours, relever le défi le plus fou : créer le nouvel Adam...
Tel est l'enjeu posé aux personnages de cette Vénus anatomique : égaler la création divine, percer le mystère de la vie en créant un androïde, ni plus ni moins, une entité mécanique douée de conscience en plein XVIII e siècle... Quant à l'ambition de l'auteur, considérable, elle se situe dans le cadre même de son choix historique, ce XVIII siècle restitué avec minutie, ce siècle de l'exultation intellectuelle, celui des révolutions de toutes sortes, de tous ordres, fondateur et ô combien... Car on l'imagine, la création de ce monstre de Frankenstein ne va pas sans poser des problèmes techniques, mais surtout éthiques, religieux et philosophiques... Et Mauméjean de jouer le jeu d'emblée en signant son roman du nom de son narrateur, Julien Offroy de la Mettrie. Nous sommes donc ici, en quelque sorte, non pas en présence d'un roman « moderne », mais bien d'un récit sensé avoir été écrit dans un XVIII siècle qui, s'il est uchronique (ou plus précisément va le devenir...), n'en est pas moins diablement crédible. Un livre donc « à la manière de », une gageure, en somme, dont l'auteur se sort avec brio tout en déroulant une érudition constante, toujours bienvenue et riche de sens." ORG - Première parution : 1/10/2004 dans Bifrost 36 - Mise en ligne le : 25/11/2005
Conclusion
Le steampunk n'est pas seulement une esthétique. Le réduire à cela, c'est le cantonner, selon l'ingrédient dominant du livre examiné, à un simple ouvrage de fantasy ou de science-fiction à esthétique steampunk, néo-victorienne ou rétrofuturiste. Sa force et sa fragilité résident dans sa capacité à dépasser le simple pastiche. S'il devient une forme de culture à part entière, il peut prétendre à plus. Déjà, le steampunk s'est étendu aux arts plastiques, à la musique, aux jeux vidéo et aux rassemblements communautaires (dernièrement au parc U4 du haut-fourneau d'Uckange en Moselle), formant une culture transversale. À travers les œuvres évoquées dans cet article, c’est tout un pan du territoire de l’imaginaire qui a été réenchanté, entre érudition et plaisir ludique, entre critique sociale et vertige de la fiction.
En s’appropriant les codes du genre, les auteurs français les ont souvent adaptés et hybridés : avec la fantasy, avec la satire politique, avec l’Histoire revisitée (l’uchronie), ou encore en puisant dans les esthétiques symboliste et gothique, dont ils reprennent le goût du mystère, des figures troubles et des décors baroques. Plutôt que de simplement reproduire une esthétique importée, ils ont cherché à lui insuffler une mémoire propre, une coloration parfois frondeuse, souvent flamboyante. Le steampunk, dans leurs mains, n’est ni un refuge ni un musée, mais une fabrique de mondes en friction. Il évoque autant les fantômes industriels du XIXe siècle que les angoisses d’aujourd’hui, les folies du progrès comme les limites de la raison, « avec un regard différent posé sur les choses » (2). En somme, un genre à la fois rétro et en avance, fidèle à la devise paradoxale qui l’anime : rêver le passé pour mieux inventer l’avenir, s’ouvrir à la nouveauté afin d'éviter la répétition.
Nos chaleureux remerciements vont aux chroniqueurs, à la revue Bifrost, ainsi qu’à nooSFere pour leur engagement en faveur de la science-fiction francophone.
Sources :
(1) In :

(2) In :
