Imaginaires des voyages temporels dans la SF
Premier volet du triptyque des Imaginaires dédié aux voyages dans le temps et aux mondes parallèles.
"Le voyage dans le temps recouvre plusieurs préoccupations très humaines : prédire l'avenir, changer le passé, retrouver la mémoire d'événements vécus ou les vivre sous un autre angle, s'ouvrir à de nouvelles chronologies, à de nouveaux mondes et à de nouvelles possibilités." (1)
Prédire l'avenir
Dans l'Antiquité grecque, les prophéties et les oracles occupaient une place prépondérante. Parmi eux, l'Oracle de Delphes, niché au pied du mont Parnasse en Phocide, se distinguait particulièrement. Au sein de ce sanctuaire panhellénique, la Pythie, prophétesse d'Apollon, dispensait des réponses divines aux questions des visiteurs. Ces réponses, souvent énigmatiques, pouvaient avoir un impact significatif sur les décisions des rois et des héros. Par exemple, le roi Crésus de Lydie a sollicité l'Oracle avant d'entamer une guerre contre l'Empire perse (vers 547 av. J.-C). La Pythie lui aurait prédit que s'il traversait le fleuve Halys, il anéantirait un grand empire. Malheureusement pour Crésus, il a mal interprété la prophétie, et c'est son propre empire qui a été détruit.
La prédiction est un art difficile, surtout lorsqu’elle concerne l’avenir.
Minority Report est un film de science-fiction, réalisé par Steven Spielberg et sorti en 2002. Il s'inspire d'une nouvelle (1956) de Philip K. Dick et se déroule en 2054 à Washington D.C., dans un futur où la criminalité a été quasiment éradiquée grâce à un système de justice prédictive, nommé Précrime. Au cœur de ce système se trouvent les Précogs, des individus dotés de capacités de précognition à la suite d'expériences médicales prénatales. Ils sont maintenus dans un état semi-conscient et connectés à des serveurs qui enregistrent leurs visions de crimes à venir. Le titre du film fait référence aux "Minority Reports," qui sont des visions alternatives de l'avenir générées par les Précogs mais souvent ignorées par le système. Ces rapports minoritaires montrent des futurs possibles où le crime prévu ne se produit pas, suggérant que l'avenir n'est pas entièrement déterminé.
Voyager dans le futur
Les rêves prémonitoires sont une forme de voyage dans le futur qui se produit pendant le sommeil. Ils sont considérés comme des projections hypothétiques de l'avenir qui sont révélées à la personne qui rêve. La science-fiction permet de vivre une expérience similaire, en nous transportant dans des futurs incertains et en nous faisant découvrir des mondes imaginaires. C'est une des thématiques récurrentes dans les récits de voyages temporels. Les personnages sont propulsés dans un avenir plus ou moins lointain, et doivent s'adapter à des sociétés et des modes de vie différents de ceux qu'ils ont connus.
Les machines à voyager dans le temps sont un dispositif classique. Ces machines permettent de se déplacer à volonté dans le futur ou le passé.
La machine
Dans La machine à explorer le temps (1895) de H.G. Wells, un voyageur du temps de l'époque victorienne utilise une machine de sa propre invention pour se rendre en l'an 802701. Il y découvre une société divisée en deux espèces distinctes : les Éloïs, des êtres doux et insouciants vivant à la surface, et les Morlocks, des créatures laides et brutales vivant dans les profondeurs souterraines. Le voyageur est initialement charmé par les Éloïs et leur mode de vie apparemment idyllique, mais il découvre bientôt que leur existence est en fait vouée à l'échec, car ils ont perdu la capacité de réfléchir et de résoudre des problèmes. Wells utilise cette histoire pour faire une satire de la société capitaliste dont les inégalités poussées à l'extrême finissent par donner naissance à deux clans de dégénérés au comportement barbare et inculte, les anciens esclaves se nourrissant de leurs anciens maîtres réduits à des sortes de pantins décérébrés.
La célérité
Selon la théorie de la relativité restreinte, voyager dans le futur est possible en se déplaçant à des vitesses proches de celle de la lumière. Plus on va vite, plus le temps ralentit par rapport à quelqu'un qui est immobile. Cependant, ce ne serait pas un véritable voyage dans le temps, mais plutôt un saut dans le futur en calculant la vitesse et la durée du voyage.
Dans le roman La Guerre éternelle de Joe Haldeman, la Terre entre en contact en 1997 avec des extraterrestres, les Taurans. Cette rencontre marque le début d'une guerre sans merci. Les autorités terriennes décident d'envoyer un contingent d'élite, et mettent au point un programme d'entraînement d'une rudesse inhumaine, destiné à “ produire ” des soldats capables de tout subir. William Mandella est l'un d'eux, et c'est sans crainte qu'il part au combat. Le temps du récit est double, divisé en un temps réel (tel qu'il s'écoule sur la planète Terre) et un temps subjectif (temps biologique raccourci par les sauts collapsars via des portails, et ralenti par les voyages interstellaires effectués à une vitesse proche de celle de la lumière). Pour William, qui survit miraculeusement d'une mission à l'autre, cette guerre semble partie pour durer... des siècles.
Le trou noir
Temps, espace, matière, tout est lié. Mais à l’inverse de la conception newtonienne du temps, ici c’est la matière qui influe sur le temps et l’espace. Autrement dit, il serait possible de jouer avec la matière et l’énergie pour influencer le temps.
Réalisé par Christopher Nolan en 2014, l'histoire d'Interstellar se déroule dans un futur proche où la Terre est devenue presque inhabitable en raison des changements climatiques et de la dégradation des ressources. Cooper, un ancien astronaute devenu agriculteur, est recruté secrètement par la NASA pour trouver une nouvelle planète habitable. Il part avec une équipe de scientifiques, dont le Dr. Amelia Brand, à travers un trou de ver situé près de Saturne, en espérant trouver un nouveau foyer pour l'humanité.
Lorsque Cooper et son équipe se rendent sur la planète Miller, située près d'un trou noir massif appelé Gargantua, ils subissent un effet de dilatation temporelle. Une heure passée sur cette planète équivaut à sept ans sur Terre. Ce phénomène crée une tension dramatique majeure lorsque les personnages réalisent que leurs proches vieilliront de plusieurs décennies pendant leur mission.
Interstellar introduit également des éléments de paradoxes temporels. Vers la fin du film, Cooper entre dans l'horizon des événements de Gargantua et est transporté dans un "tesseract," une structure en cinq dimensions où il peut interagir avec différentes temporalités. Dans cet espace, il utilise la gravité pour envoyer des messages à travers le temps à sa fille, afin de lui fournir les informations nécessaires pour sauver l'humanité. Ce mécanisme crée une boucle causale, où les actions de Cooper dans le futur influencent directement les événements passés, la boucle de causalité partant du principe que l’effet est également la cause.
La stase
Les auteurs de science-fiction utilisent souvent l'hibernation comme une convention commode pour explorer l'avenir ou pour remédier à la durée des voyages interstellaires. Cependant, dormir profondément ne suffit pas à éviter la détérioration du corps. Pour contourner ce problème, certains auteurs font appel à des champs mystérieux capables de geler le temps. Cette approche néglige le fait que tout champ est associé à une particule dont le mouvement et les interactions garantissent la manifestation du champ. Néanmoins, la bulle de stase permet des figer les héros de nos histoires des millénaires, voire des millions d'années, sans les affliger de courbatures trop sévères à leur réveil.
Commençons par le chef-d'œuvre de René Barjavel, La Nuit des temps (1968). L'histoire se déroule en Antarctique, un territoire dédié aux recherches scientifiques. Lors d'une expédition, des chercheurs découvrent des vestiges enfouis sous la glace, révélant l'existence d'une civilisation disparue depuis 900 000 ans, bien plus avancée que la nôtre. Parmi ces vestiges se trouve une capsule dorée contenant la magnifique Eléa, qui, une fois réveillée, raconte l'histoire de son peuple. À ses côtés repose Coban, son compagnon et dépositaire du savoir scientifique de leur civilisation, que les scientifiques tenteront également de réveiller.
La captive du temps perdu (1986) est un roman de Vernor Vinge qui combine la science-fiction, le policier et la politique. L'histoire se déroule 50 millions d'années dans le futur, après que l'humanité ait disparu dans ce qui est appelé la "Singularité" ou "l'Extinction". Les survivants sont des voyageurs temporels en "stase" qui se divisent en deux groupes, les paléo-techs et les néo-techs. Le récit commence lorsque l'une des néo-techs les plus puissantes, Marta Korolev, est victime d'un meurtre terrifiant. L'enquête est menée par l'un des paléo-techs, Will Brierson, en utilisant le journal tenu par Marta. Le concept de "Singularité" est fascinant, le récit est complexe et riche en idées et réflexions.
Contrairement à la plupart des voyageurs temporels dans le passé qui font des allers-retours et ont un attachement à leur époque d'origine, les personnages de ces histoires, catapultés dans un avenir lointain, ne peuvent pas revenir en arrière.
Voyager dans le passé
Les voyages dans le passé, quant à eux, sont considérés comme un défi à notre naissance et à notre destin, et sont souvent utilisés pour explorer les souvenirs et l'histoire. C'est une des thématiques les plus récurrentes dans les récits de voyages temporels. Les personnages sont propulsés dans un passé plus ou moins lointain, et doivent s'adapter à des époques et des modes de vie différents de ceux qu'ils ont connus.
Le paradoxe du grand-père
Le principe de causalité est un concept qui stipule qu'un effet ne peut pas précéder sa cause. Cela signifie qu'il serait impossible de voyager dans le passé et de le modifier, car cela créerait des paradoxes temporels tels que celui du grand-père, où un individu tue son propre grand-père avant la conception de son père, ce qui rend sa propre existence impossible.
Le Voyageur imprudent (1943) de René Barjavel est l'une des premières œuvres à aborder les paradoxes temporels, notamment celui du "grand-père" (ou plutôt de la grand-mère). Le protagoniste, grâce à une substance chimique, voyage dans le temps et finit par rencontrer ses ancêtres. Ses actions dans le passé menacent d'effacer son propre futur.
Les Temps parallèles (1969) est le deuxième tome du diptyque "Time opera" de Robert Silverberg. En 2059, la mode est au tourisme temporel. Après avoir raté son master d’histoire, Jud Elliott III est embauché au Service Temporel comme messager temporel. Il devient guide touristique et accompagne les groupes qui souhaitent visiter l’ancienne Constantinople. Il doit y veiller, tout comme les patrouilleurs du temps, à ce que les touristes ne provoquent des altérations dans le cours des événements. Jusqu’au jour où il est lui-même victime d’un « paradoxe trans-temporel », lorsqu’il tombe amoureux de sa lointaine aïeule, Pulchérie.
Au cinéma, Back to the Future/Retour vers le futur (1985), de Robert Zemeckis, fait œuvre de pionnier. Dans les années 80, Marty Mcfly, adolescent désœuvré, fait la connaissance du docteur Emmett Brown, l’inventeur d’une drôle de machine à remonter le temps. À la suite de diverses péripéties, le garçon revient à l’époque où ses (futurs) parents allaient se connaître, en novembre 1955, soit trente ans plus tôt. On assiste à ses tentatives maladroites de changer le cours des choses, avant de le voir opérer un « retour vers le futur », toujours plus problématique à mesure que la trilogie se déploiera.
Le paradoxe de la prédestination
Un événement est à la fois cause et conséquence d'un autre événement, créant une boucle temporelle où les actions du voyageur sont prédestinées.
Les réalisateurs de Predestination (2014) ont adapté la nouvelle La Mère Célibataire (1959) de Robert A. Heinlein. Un agent temporel est pris dans une série de voyages dans le temps, destinés à faire perdurer à jamais son action en tant que représentant de la loi. Lors de son ultime mission, il doit recruter une plus jeune version de lui-même pour se remplacer, tout en pourchassant le seul criminel ayant percé son identité à travers le temps.
Paradoxes, boucles et univers parallèle
La série allemande Dark (2017-2020) est une exploration complexe des boucles temporelles et des paradoxes. Elle commence par la disparition de deux enfants dans une petite ville allemande, ce qui mène à la découverte de secrets enfouis et de connexions entre quatre familles sur plusieurs générations.
Contrairement à d’autres œuvres traitant des voyages dans le temps, les scénaristes de Dark ont fait le pari de proposer une ligne temporelle gravée dans le marbre. En effet, dans des films comme Back to the Future ou Terminator, le passé est modifié dans le but de modifier le futur, ce qui n’est pas possible ici : ce qui s’est passé est inaltérable. Que ce soit simplement par l’intervention des personnages qui s’évertuent à perpétuer un cycle ou par les lois de la physique, rien ne peut être altéré.
L’univers de la série s’est élargi au fur et à mesure de son avancée : nous apprenons dès la fin de la seconde saison l’existence d’un univers parallèle. Cette nouvelle idée est une véritable preuve d’audace de la part des créateurs, et elle a été résolue avec succès, parfaitement intégrée dans le récit, alors que ça aurait pu être tout à fait casse-gueule. Durant la première saison, les voyages temporels se font exclusivement dans le passé : en 1986 et 1953. La seconde saison nous emmène en 1921 puis 2053 tandis que la troisième saison nous présente effectivement ce nouveau monde parallèle, mais aussi 1888. Les personnages passent d’ailleurs plus de temps dans les différentes époques, ce qui, en plus de donner de l’air à la timeline, nous explique pourquoi certains personnages ont fini par vieillir.
La rencontre avec soi-même
La rencontre avec soi-même se concentre sur les scénarios dans lesquels un personnage se retrouve face à face avec une version plus jeune ou plus âgée de lui-même.
Looper est un film de science-fiction et d'action sorti en 2012. Le film a été écrit et réalisé par Rian Johnson et met en vedette Joseph Gordon-Levitt, Bruce Willis et Emily Blunt. Au coin du champ de maïs, un tueur attend. C’est Joe, un « looper » : il gagne sa vie en flinguant des types que la mafia lui envoie. Ils arrivent d’un futur lointain et il les fait disparaître en 2044, pour ne laisser aucune trace d’eux. La boucle est bouclée. Mais le jour où Joe se retrouve face à lui-même âgé de trente ans de plus, il n’arrive pas à tuer ce Joe vieillissant.
Une imagination sans limites peut transcender les lois naturelles et nous offrir un voyage philosophique, visuel et temporel, brillamment réalisé ici.
Un jour sans fin
La relativité générale permet théoriquement la création de boucles temporelles appelées "courbes fermées de type temps" (CTC), où le temps se replie sur lui-même. Les boucles temporelles évoquent un retour perpétuel à un point d’origine, un cercle infini. Le personnage de cette histoire doit trouver un moyen de briser la boucle et de s'en échapper, même si cela implique de mettre fin à sa vie pour en reprendre le contrôle.
Dans le film Edge of Tomorrow (2014), la Terre est envahie par des extraterrestres appelés Mimics. Le major William Cage (Tom Cruise), un officier de relations publiques sans expérience de combat, est envoyé au front contre sa volonté. Lors d'une mission suicide, Cage tue un Mimic inhabituel et meurt en étant aspergé de son sang. À son réveil, il se retrouve dans une boucle temporelle, revivant le même jour encore et encore. À chaque résurrection, Cage conserve tous ses souvenirs des boucles précédentes. Cela lui permet d'affiner ses compétences de combat, de recueillir des informations cruciales et de tester différentes stratégies pour vaincre les Mimics.
Modifications temporelles et effet papillon
Les personnages de voyage dans le temps ne sont jamais des observateurs neutres très longtemps, et leurs actions, volontaires ou non, tendent à réécrire et à modifier la trame de la réalité.
Quel serait le résultat sur le futur si des personnes venant de l'avenir modifiaient un élément du passé, aussi petit soit-il ? La nouvelle Un coup de tonnerre (1952) de Ray Bradbury, extraite du recueil Les pommes d’or du soleil, illustre l'effet papillon de manière percutante.
En 2490, Les Déserteurs temporels (1967), protagonistes du premier tome du diptyque "Time opera" de Robert Silverberg, ne supportent plus leurs conditions de vie dans ce XXVe siècle foncièrement inégalitaire avec sa pollution, son chômage, sa surpopulation. La solution ? Fuir dans le temps, vers une époque plus propice, le XXIe siècle. Les archives historiques attestent en effet de cet afflux majeur de réfugiés temporels. C’est totalement illégal. D’où l’intervention de Quellen, responsable des affaires criminelles, chargé de retrouver l’instigateur de cet exode. Mais comment arrêter cette « fuite en arrière » ?
Au XXIe siècle, le professeur Dunworthy dirige une équipe d'historiens qui utilisent des transmetteurs temporels pour voyager dans le temps. Ned Henry, l'un d'eux, effectue ainsi d'incessantes navettes vers le passé pour récolter un maximum d'informations sur la cathédrale de Coventry, détruite par un raid aérien nazi. Or c'est à ce même Henry, épuisé par ses voyages et passablement déphasé, que Dunworthy confie la tâche de corriger un paradoxe temporel provoqué par une de ses collègues, qui a sauvé un chat de la noyade en 1888 et l'a ramené par inadvertance avec elle dans le futur. Or l'incongruité de la rencontre de ce matou voyageur avec un chien victorien pourrait bien remettre en cause... la survie de l'humanité ! "Sans parler du chien (1998) est plus qu'un divertissement, c'est également une remarquable étude du voyage temporel. En utilisant la théorie du Chaos — un petit chat perdu peut à lui seul bouleverser le devenir de l'humanité —, Connie Willis offre l'une des voies d'exploration des paradoxes temporels les plus satisfaisantes à ce jour." Sophie GOZLAN - Les critiques de Bifrost - https://belial.fr/blog/sans-parler-du-chien
Boucles temporelles cohérentes
Toujours ce fameux paradoxe : on ne touche pas impunément au passé. À moins, bien sûr, que l'on ne cherche à le réviser pour qu'il corresponde à l'Histoire telle qu'elle est communément admise.
Dans les romans de SF, les histoires religieuses ont souvent un petit côté plus ou moins gentiment blasphématoire. Michael Moorcock n'a donc pas hésité à imaginer, dans Voici l'Homme (1969), que Jésus était en réalité un enfant inadapté à remplir sa mission divine... Glogauer, un voyageur temporel fasciné par les écritures, se rend à Jérusalem pour assister à la passion du Christ. Il doit vite se rendre à l'évidence : nul n'a jamais entendu parler d'un nommé Jésus. Horrifié, Glogauer prend les choses en main, au point d'accepter d'être crucifié afin que les écritures s'accomplissent...
Mémoire et paradoxes cognitifs
Lorsqu'un personnage voyage dans le passé et modifie des événements, cela entraîne des contradictions dans ses souvenirs, créant ainsi des réalités discordantes. Cette notion est brillamment développée dans le film L'armée des douze singes (1995) réalisé par Terry Gilliam. Inspiré du court métrage français La Jetée (1962), ce film suit le personnage de James Cole, un prisonnier du futur envoyé dans le passé pour collecter des informations sur un virus qui a anéanti la majorité de la population humaine. Au travers de l'histoire de James Cole, le film aborde les thèmes de la mémoire, de la perception du temps et des conséquences psychologiques des voyages répétés dans le passé.
D'un autre côté, lorsqu'un personnage resté dans le présent reçoit la mémoire des événements de son futur, cela peut être aussi déstabilisant. Cette idée est au cœur du roman de Robert J. Sawyer, Flashforward (1999). Une expérience scientifique provoque la perte de conscience de toute l'espèce humaine pendant plus de deux minutes. Durant ce malaise, chaque être humain découvre un aperçu de son avenir, à travers les sens de son futur soi. Au réveil, les souvenirs de ces visions perturbent profondément les personnages, créant des conflits et des tentatives de modifier leur avenir.
Celui qui a le contrôle du futur...
Les organisations du lointain futur qui contrôlent le temps sont un thème récurrent et fascinant. Ces organisations, souvent secrètes et dotées des technologies les plus avancées, ont la capacité de modifier le passé, de préserver l'Histoire ou de façonner le destin de l'humanité.
Clifford D. Simak, Dans le torrent des siècles publié en 1951, raconte l'histoire d'Asher Sutton, un agent galactique qui revient sur Terre avec les fondements d'un livre qui a déjà été écrit dans le futur. Ce livre, intitulé "Ceci est la Destinée", est le manifeste du mécanisme du Destin, qui est façonné par une intelligence secrète et toute-puissante. Simak utilise ce roman pour défendre l'égalité entre les êtres vivants dans la galaxie, en particulier les androïdes, qui sont exploités par les hommes.
Isaac Asimov, avec son roman La Fin de l'éternité publié en 1955, présente une organisation secrète qui modifie le cours de l'histoire pour le bien de l'humanité, mais doit faire face à des paradoxes temporels. Le roman se déroule en dehors du temps, dans un ensemble d'installations appelé l'Éternité, qui s'étend du 27e siècle jusqu'à un avenir presque infini. Les membres de l'Éternité, appelés les Éternels, peuvent voyager à travers le temps pour modifier les événements historiques et prévenir les catastrophes qui pourraient menacer l'existence de l'humanité. Le personnage principal du roman est Andrew Harlan, un Technicien de l'Éternité chargé de déterminer les modifications minimales à apporter à l'histoire pour atteindre un résultat souhaité. Un Changement de Réalité qu'il introduit peut affecter l'existence de cinquante milliards de personnes. Harlan tombe amoureux d'une femme du 20e siècle nommée Noÿs Lambent, et il enfreint les règles de l'Éternité en la ramenant dans le futur pour vivre avec lui. Cette action déclenche une série d'événements qui amènent Harlan à remettre en question les motivations et les méthodes de l'Éternité. Il découvre que certains membres de l'Éternité ont des plans différents pour l'avenir de l'humanité, et il se retrouve au milieu d'une lutte de pouvoir pour déterminer l'orientation de l'histoire.
La Patrouille du temps (1960) de Poul Anderson décrit une organisation secrète qui surveille les voyages dans le temps pour empêcher les modifications du passé. La raison d’être de la patrouille du temps est à la fois de préserver l'Histoire et de mieux la connaître. "Bienvenue dans le tourbillon des siècles ! Accrochez-vous à votre sauteur temporel et suivez Manse Everard, jeune membre de la Patrouille, dans les premiers chants de son épopée formidable !" https://belial.fr/legacy/a/poul-anderson/la-patrouille-du-temps-l-integrale-1
Dinosaure-Plage (1971) est une station du Central Nexx, située au beau milieu... de l'Ère secondaire. Le Nexx, c'est une organisation du lointain avenir, qui a entrepris de remettre de l'ordre dans le Cours du Temps. Car les interventions successives de chrononautes malavisés y ont mis un tel désordre que l'existence de l'humanité est menacée... Ravel, agent du Nexx, a été envoyé en mission dans l'Amérique de 1936. Là, il est tombé amoureux de la charmante Lisa, et c'est en plein bonheur qu'il est rappelé à Dinosaure-Plage. Peu après son arrivée, la station est attaquée et détruite. Ravel se trouve lancé dans une inconcevable odyssée à travers le Temps. Keith Laumer a publié ce roman en 1971 et c'est son chef-d'œuvre.
"Le temps a toujours fasciné la S-F, le plus souvent pour les paradoxes qu'il engendre, mais jamais une idée aussi séduisante que celle de Robert Charles Wilson n'avait encore été exploitée ni traitée avec un tel talent. Un monument de pierre apparaît à Chumphon, en Thaïlande, fait dans un matériau inconnu, inaltérable ; il commémore une victoire que gagnera un dénommé Kuin dans vingt ans. Le froid qui accompagne son apparition provoque une onde de choc thermique qui dévaste les alentours. Bientôt, les impressionnants obélisques se multiplient en Asie, tous à la gloire du même seigneur de la guerre. A qui sont destinés ces chronolithes et que signifient-ils ? Le supposé tyran asiatique partant à la conquête de la planète est-il d'ores et déjà assuré des victoires qu'il commémore ou bien cherche-t-il à impressionner d'éventuels opposants ? D'ores et déjà, le conflit se situe sur le plan de la communication, en annonçant comme inéluctable l'issue de batailles à venir." Le roman Les Chronolithes a été écrit en 2001. Claude ECKEN - Première parution : 1/7/2003 - dans Bifrost 31 - Mise en ligne le : 1/8/2004
Les reflets du temps
L'idée de regarder le passé en observant le monde via un télescope est basée sur le fait que la lumière met un certain temps à voyager dans l'espace. Lorsque nous regardons des objets célestes éloignés, tels que des étoiles ou des galaxies, nous voyons en fait la lumière qu'ils ont émise il y a longtemps. Plus l'objet est éloigné, plus la lumière a mis de temps à nous parvenir, et plus nous voyons loin dans le passé. Ainsi, en observant le ciel à travers un télescope, nous pouvons voir des événements qui se sont produits il y a des millions ou des milliards d'années, tels que la formation de galaxies ou l'explosion de supernovæ.
Bob Shaw, l'un des meilleurs auteurs britanniques de science-fiction, nous a laissé avec le roman Les Yeux du temps (1971) un chef-d'œuvre inclassable, unissant la spéculation intellectuelle, une terrible histoire d'amour et des images d'une poésie fulgurante. Imaginez une vitre qui ait de la mémoire. Elle ralentit la lumière. Elle absorbe des images et les restitue des jours, des mois ou des années plus tard. Cela permet, au cœur des villes, d'avoir des fenêtres qui donnent sur l'océan, sur des montagnes, sur une campagne idéale, sur un ciel perpétuellement bleu. Mais cela permet aussi de sonder le passé. Le verre lent se souvient de secrets que certains auraient préféré savoir à jamais perdus...
Maurice Renard avait eu le même genre d'idée avec Le Maître de la lumière (1933), où une affaire de meurtre est résolue grâce à la présence d'une fenêtre spéciale avec du verre qui retarde les photons.
D'un autre côté, avec des particules voyageant plus vite que la vitesse de la lumière, les tachyons, il serait possible de remonter dans le temps. "Un paysage du temps (1980) aurait pu être un roman rébarbatif. D'ailleurs nul doute que ce sera l'avis de certains lecteurs totalement allergiques à la science. Pourtant Gregory Benford parvient à maintenir un équilibre délicat où s'entrelacent la vie privée de ses personnages et la description du milieu scientifique. La menace qui pèse sur l'humanité conduit au recours à une forme de voyage dans le temps, un thème classique de la science-fiction traité ici avec une grande rigueur, la trouvaille de l'auteur pour expliquer les paradoxes étant particulièrement habile. L'alternance du passé et du présent et l'opposition de deux époques différentes dynamisent également le récit. Mais ce roman est avant tout une ode un peu nostalgique à la science et à la curiosité face à l'univers ; une œuvre à l'atmosphère envoûtante, avec une galerie de personnages si riches et si fouillés qu'on a l'impression d'avoir partagé un moment de la vie des protagonistes. Ce n'est pas une mince réussite." Frédéric BEURG - Première parution : 25/3/2001 nooSFere
Conclusion
Les voyages dans le temps permettent d'imaginer à quoi le futur pourrait ressembler ou à quoi le passé ressemblerait si on interagissait avec ; c'est une façon remarquable d'examiner les futurs possibles ou les possibles du passé.
Cependant, les progrès scientifiques actuels semblent interdire tout voyage dans le temps, car le temps est une dimension indissociable de la matière et obéit à des lois strictes.
"En revanche, le voyage devient possible (du moins conceptuellement) si l'on postule un univers à cinq dimensions, dont trois du genre espace et deux du genre temps. Le voyageur ne peut pas remonter le temps dans son propre univers, mais se déplacer en quelque sorte latéralement selon la seconde dimension du genre temps à travers une série d'univers dans lesquels sa présence est licite et que par son mouvement il va en sorte créer." Gérard Klein (2)
On peut donc résoudre le paradoxe du grand-père et la possibilité de modifier le passé ou le futur en postulant que les voyages dans le temps se déroulent toujours entre des univers parallèles, chacun ayant une histoire différente. La physique considère cette possibilité grâce à la théorie des mondes multiples. Toutefois, cela soulève une question : quel serait l'intérêt de tels voyages ? Par exemple, si l'on empêche une guerre dans un univers parallèle, il existera toujours d'autres univers où cette guerre se produira quand même.
Les auteurs de science-fiction contournent ces difficultés en inventant des moyens de transport temporels et en créant des scénarios qui impliquent des paradoxes. Leurs histoires, même si elles sont une vue de l'esprit, nous aident à prendre conscience du poids de nos actions quotidiennes et de leurs répercussions sur nos propres destinées, à comprendre les petits hasards et les grands mouvements qui façonnent notre histoire.
Sources :
(1) In : James Cameron's Story Of Science Fiction - 1x06 - Les voyages dan le temps
(2) In : Préface à l'anthologie composée par Jacques Goimard, Demètre Ioakimidis et Gérard Klein : Histoires de la quatrième dimension - Livre de poche nº 3783, novembre 1983 - https://www.quarante-deux.org/archives/klein/prefaces/lpa3783.html
(3) In : Anthologie composée par Gérard Klein : Histoires de voyages dans le temps – les Maîtres de la Science-Fiction - Livre de poche nº 7198, avril 1997 - https://www.quarante-deux.org/archives/klein/prefaces/lp27198.html
Si vous voulez en savoir plus sur le sujet du voyage dans le temps : Que dit la science ? Quels sont les problèmes qui pourraient le rendre inaccessible à jamais ?
Un article de C.P. Rigel sur son blog.
"[...] même si la machine à explorer le temps n'est sans doute pas pour demain, ni même pour après-demain. Peut-être précisément est-il nécessaire d'en posséder une pour gagner un avenir assez éloigné pour que sa construction devienne possible ?" Gérard Klein (3)