Des concepts menacés

Des concepts menacés

Pour que la Terre reste un monde vivable pour les générations futures. #4/8


Évolution des concepts de l'écologie et du développement durable.

"Le monde économique fonctionne souvent en dehors des limites planétaires, ignorant les contraintes environnementales qui s’imposent. Dans les années 1970 et 1980, des catastrophes industrielles majeures, telles que celles de Seveso en Italie et de Bhopal en Inde, ont suscité une prise de conscience globale. En réponse, les États industrialisés ont créé des ministères de l’environnement et lancé des initiatives écologiques pour prévenir de tels désastres.

Au fil des décennies, des notions telles que la durabilité environnementale, l'économie de ressources, le développement durable, l’atténuation et l’adaptation au changement climatique, la transition écologique, l’économie circulaire ou encore la résilience se sont progressivement affirmées et enrichies. Pourtant, face à l’intensification des crises écologiques et climatiques, certaines de ces approches montrent aujourd’hui leurs limites.

Voici une chronologie approximative de l’émergence et de la diffusion des concepts liés à l’environnement et au climat. Les dates sont indicatives, car ces notions évoluent progressivement dans le débat scientifique et politique.


Le développement durable face à sa crise.

Progressivement, la notion de « Développement durable » disparaît des discours politiques et d’une partie de la littérature scientifique – au profit d’autres termes comme ceux de « transition », de « résilience », de « décroissance »… Certains lient cet effacement aux changements du contexte – tant le développement durable a été lié à la période de mondialisation commencée après la fin des années 1980 et achevée avec la crise de 2007-2008. D’autres y voient la conséquence logique d’une longue usure – et d’usages abusifs qui ont souvent réduit l’expression à une rhétorique creuse et finalement peu efficace... In :
Le développement durable face à sa crise : un concept menacé, sous-...
Ce texte fut publié, la première fois, le 4 février 2014 : Le développement durable face à sa crise : un concept menacé, sous-exploité ou dépassé ? (vol. 4, n° 3) Après les incertitudes des années…

Le développement durable cherche à répondre aux besoins présents sans compromettre la capacité des générations futures à satisfaire les leurs. Il s’appuie sur trois piliers fondamentaux, étroitement liés :

  1. Économie : Promouvoir une croissance équitable, inclusive et compatible avec les limites écologiques.
  2. Environnement : Préserver les ressources naturelles, réduire les émissions de gaz à effet de serre, limiter la pollution et enrayer l’érosion de la biodiversité.
  3. Social : Renforcer la justice sociale, garantir les droits fondamentaux, améliorer l’accès à l’éducation, à la santé, à l’emploi, et réduire les inégalités.

L’approche du développement durable vise principalement à prévenir les dégradations — de l’eau, des sols, de la biomasse — afin de maintenir une trajectoire de croissance continue tout en limitant les impacts négatifs sur l’environnement et la société. L’objectif reste d’éviter, autant que possible, les crises et les perturbations.

À l’inverse, la notion de résilience part du principe que les chocs et les bouleversements sont inévitables. Elle implique donc la construction de systèmes et de communautés capables de s’adapter, de se relever et de se réorganiser rapidement après une crise. Adopter cette perspective revient à intégrer l’idée de rupture dans nos modèles, et à s’y préparer activement : gestion des catastrophes, adaptation aux changements climatiques, diversification économique, entre autres leviers.

"Avec le développement durable, on ne tombe pas, on continue sur une pente croissante... Quand on passe à la résilience, ça veut dire qu'on accepte que l'on va tomber. On tombe et on se relève. Ce qui va se passer dans le siècle qui vient, à mon avis, ces fluctuations vont être là, il va falloir apprendre à vivre dans un monde fluctuant, et du coup, il va falloir apprendre des manières d'être stable, d'être viable, dans un monde qui change tout le temps." Olivier Hamant. In :

Antidote au culte de la performance - Tracts - GALLIMARD - Site Gallimard

L’adaptation au changement climatique, dans le cadre du développement durable et de la gestion des transformations environnementales, désigne l’ensemble des mesures mises en œuvre pour faire face aux effets actuels et anticipés du dérèglement climatique, des catastrophes naturelles, de la dégradation des écosystèmes et d’autres menaces systémiques. Son objectif est de réduire la vulnérabilité des sociétés humaines et des milieux naturels, tout en renforçant leur capacité de résilience.

Cela implique, par exemple, de protéger les infrastructures contre les inondations, de diversifier les sources d’eau potable en période de sécheresse, ou encore d’adopter des pratiques agricoles adaptées aux nouvelles conditions climatiques.

À la différence de l’atténuation — qui vise à limiter l’ampleur du réchauffement global en réduisant les émissions de gaz à effet de serre ou en capturant le CO₂ atmosphérique —, l’adaptation se concentre sur la gestion des conséquences déjà inévitables du changement climatique.

La liste est longue des domaines dans lesquels il va falloir investir pour "se protéger" : agriculture, réseaux d'eau, réseaux de transports, réseaux de télécommunication, usines, bâtiments...

L'atténuation et l'adaptation remises en question.

Changement climatique : le mirage de l’adaptation et des discours “rassuristes”
[VIDÉO] - Face aux effets dévastateurs du réchauffement climatique, les partisans d’une simple adaptation de notre modèle de développement sont nombreux. “Une invitation déguisée à continuer à utiliser des énergies fossiles”, estime Fabrice Bonnifet. Le président du C3D, le collège des directeurs du…

Le président du C3D, le collège des directeurs du développement durable, nous livre son nouvel édito.

Rapport du Giec sur l’atténuation du changement climatique : 3 ans pour agir ! – Cdurable.info
Dans un contexte sensible de guerre en Ukraine exposant la dépendance des économies aux énergies fossiles, les experts climat de l’ONU (Giec) ont publié leur éventail de scénarios, pistes et…

La transition écologique, également connue sous le nom de « transition vers la durabilité environnementale », désigne un processus de transformation en profondeur des modes de production, de consommation et d’organisation sociale. Elle vise à réduire les pressions exercées sur les écosystèmes et à instaurer des modes de vie compatibles avec les limites planétaires.

Cette transition s’impose face à l’ampleur des crises environnementales : changement climatique, érosion de la biodiversité, pollution de l’air, des sols et des océans, raréfaction des ressources naturelles. Elle repose sur une remise en question des fondements du modèle économique dominant et appelle à repenser les rapports entre les sociétés humaines et le vivant.

Étroitement liée au développement durable, la transition écologique en constitue l’un des leviers majeurs : si le développement durable en trace les principes, la transition en incarne la mise en œuvre concrète.

Transition écologique : comment agir et pourquoi ? | Centre d’information sur l’eau
Pour répondre aux enjeux environnementaux de notre siècle, la transition écologique passe par la mise en place de nouveaux modèles économiques et sociaux.

Axes clés de la transition écologique

La transition écologique ne se résume pas à un ensemble de solutions techniques. Elle exige une profonde transformation de nos représentations, de nos priorités collectives et de nos manières de vivre. Pour réussir, elle doit associer gouvernements (France 2030, Plan de relance), entreprises, chercheurs, associations et citoyens autour d’un même objectif : préserver les conditions d’habitabilité de la planète pour les générations présentes et futures.


La transition énergétique est-elle un mythe ?

La transition énergétique est-elle un mythe ?
Jean-Batiste Fressoz bat en brèche l’idée selon laquelle les énergies dites du passé (bois, charbon, pétrole, gaz) se succèdent dans l’histoire. Selon lui cette vision de la transition énergétique est devenue une idéologie pratique qui nous empêche de penser convenablement le défi climatique.

La transition vers la durabilité environnementale peut-elle se faire sans décroissance ?

Jean-Baptiste Fressoz : « À cause de l’obsession de la transition, la décroissance reste sous-équipée intellectuellement »
Dans « Sans transition. Une nouvelle histoire de l’énergie » (Seuil) l’historien des sciences et chercheur au CNRS Jean-Baptiste Fressoz montre cliniquement que la transition énergétique est une fable créée de toutes pièces par le capital, à l’origine du dérèglement climatique. Interview.

La soutenabilité, également connue sous le nom de durabilité, fait référence à la capacité de maintenir ou de préserver quelque chose à long terme sans compromettre sa viabilité future. Environnementalement, la soutenabilité implique l'utilisation responsable des ressources naturelles afin de préserver les écosystèmes et de limiter les effets néfastes sur la planète pour les générations futures.

"Il faut remettre les choses dans l’ordre : oui, il faut développer les renouvelables, mais aussi et surtout réfléchir aux choses inutiles, puis envisager la répartition et le partage des biens produits qui resteront carbonés. Malheureusement, et à cause de l’obsession de la transition, la décroissance reste sous-équipée intellectuellement. Dans le dernier scénario du groupe 3 du GIEC, l’hypothèse d’une baisse de la croissance économique n’est même pas envisagée parmi les 3000 et quelques scénarios étudiés ! Cela signifie que les économistes n’ont pas encore fait ce travail en amont. Ça donne à voir l’énormité des lacunes de la science et du débat public." Jean-Baptiste Fressoz, historien des sciences et chercheur au CNRS
Les énergies renouvelables ne sont pas une solution suffisante si elles soutiennent des modes de vie basés sur la surconsommation, et les nouvelles technologies énergétiques ne seront efficaces que si elles sont intégrées dans une approche globale de durabilité et de respect de la nature.

Une économie de ressources : stratégie clé pour un développement durable.

L'économie de ressources est une stratégie pour atteindre les objectifs du développement durable. En opposition à une économie basée sur la consommation effrénée, elle adopte un modèle économique axé sur la durabilité, la préservation des ressources naturelles, et la réduction du gaspillage. Plutôt que de stimuler la croissance économique uniquement par une consommation accrue de biens et de services, une économie de ressources se concentre sur une utilisation judicieuse des ressources limitées de la planète, tout en minimisant l'impact environnemental. Cette approche devient de plus en plus cruciale pour relever les défis liés au changement climatique, à la rareté des ressources naturelles, et à la dégradation de l'environnement. Surtout, il convient de sortir du clivage entre partisans de la décroissance et du technosolutionnisme : ces derniers doivent accepter que les usages évoluent sensiblement, tandis que les premiers devront comprendre que renoncer à la technologie c'est accepter l'effondrement.

Caractéristiques clés d’une économie de ressources


Une approche systémique de l'économie de ressources

Définition et portée

L'économie circulaire constitue l'un des piliers de l'économie de ressources, centrée sur une meilleure gestion des matériaux et des déchets. Mais cette dernière va au-delà, en intégrant des dimensions plus vastes :

  • la sobriété énergétique
  • la transition vers les énergies renouvelables
  • la préservation des écosystèmes
  • la réduction globale de l'empreinte environnementale

Son ambition est de concilier croissance économique, inclusion sociale et respect des limites planétaires. Elle ne cherche pas simplement à "faire mieux avec moins", mais à repenser en profondeur la manière dont nous produisons, consommons et vivons collectivement.

La stratégie européenne : vers une économie de ressources sans le nom

L'Union européenne ne désigne pas explicitement son modèle économique comme une « économie de ressources », mais elle en applique de nombreux principes au travers de ses grandes orientations stratégiques.

Le Pacte vert pour l'Europe (2019)

Dès 2019, le Pacte vert pour l'Europe (Green Deal) inscrit l'usage efficace des ressources au cœur de sa feuille de route pour atteindre la neutralité carbone à l'horizon 2050. Ce programme ambitieux encourage :

  • une meilleure efficacité énergétique
  • la réduction des déchets
  • une utilisation optimisée des matières premières

Le Plan d'action pour l'économie circulaire (2020)

Dans cette dynamique, le Plan d'action pour l'économie circulaire, lancé en 2020, vise à réduire la pression sur les ressources naturelles tout en favorisant une croissance économique plus durable. Il promeut :

  • la durabilité des produits
  • la lutte contre l'obsolescence programmée
  • le réemploi, la réparation et le recyclage

La sécurisation des matières premières critiques

Parallèlement, l'Union s'efforce de sécuriser son approvisionnement en matières premières critiques (lithium, cobalt, terres rares) grâce à une stratégie dédiée. Celle-ci encourage :

  • la diversification des sources d'approvisionnement
  • la récupération des matériaux via des filières de recyclage performantes

Ces efforts s'inscrivent dans un souci d'autonomie stratégique face aux tensions géopolitiques et à la rareté croissante de certaines ressources.

La taxonomie verte européenne

Enfin, la taxonomie verte européenne, en orientant les flux d'investissement vers des activités considérées comme durables, incite fortement à adopter des modèles plus sobres et efficients dans l'usage des ressources naturelles.

Conclusion

Ainsi, sans désigner officiellement une « économie de ressources », l'Europe en construit progressivement les fondations à travers un ensemble cohérent de politiques environnementales, industrielles et financières. Ces actions traduisent une volonté de rupture avec le modèle linéaire traditionnel, au profit d'une approche fondée sur la sobriété, l'écoconception et la circularité.


Une sélection d'articles pour en savoir plus sur le développement durable et l'économie circulaire :

Le développement durable à découvert
Vingt ans après la première conférence de Rio, qu’est devenue la proposition de conduire nos sociétés vers un développement durable ? Adopté par les uns, utilisé comme faire-valoir par les autres, ce concept de développement durable est souvent vidé de son sens. Or, l’impact exponentiel des activités humaines sur les ressources naturelles, la santé des populations et le milieu exige d’expliquer ce qu’il est précisément. Qu’est-ce que le développement durable aujourd’hui ? Qu’en est-il de la disponibilité des ressources et de l’usage que nous en faisons ? Dans le domaine de l’eau, du climat, des sols, de la biodiversité ? En milieu rural, sur le littoral ou encore en milieu urbain, là où la majorité de la population va vivre d’ici 2050, comment consommons-nous au fil du temps, à travers les territoires ? Quelles incidences les activités humaines ont-elles sur les ressources, sur la santé des populations et sur le milieu lui-même ? Les relations entre l’humanité et l’environnement doivent-elles évoluer ? Autant de questions posées à des scientifiques qui éclaircissent la complexité des interactions entre les systèmes et proposent des solutions pour un avenir sur le long terme. De nos écosystèmes à nos modes de consommation, des risques naturels aux nouvelles technologies ou aux pollutions, des usines du futur au traitement des déchets, Le développement durable à découvert informe, explique, partage tout ce que la science actuelle est capable d’apporter au défi majeur du xxie siècle : comment mieux comprendre la complexité des enjeux qui nous concernent tous et assurer le développement de l’humanité sans détruire son biotope. Économistes, physiciens, sociologues, agronomes, écologues... plus de 150 chercheurs se sont mobilisés pour associer leur expertise à leur regard critique et décrire, comprendre, modéliser, imaginer, illustrations et schémas à l’appui, les outils destinés à construire les sociétés équitables de demain.

Économistes, physiciens, sociologues, agronomes, écologues… plus de 150 chercheurs se sont mobilisés pour associer leur expertise à leur regard critique et décrire, comprendre, modéliser, imaginer, illustrations et schémas à l’appui, les outils destinés à construire les sociétés équitables de demain.

5 idées pour démystifier l’économie circulaire - Polytechnique Insights
5 idées pour démystifier l’économie circulaire - Une Tribune à découvrir sur Polytechnique Insights

Le plus urgent : réduire collectivement le volume de déchets. Et ça, les industriels n’y ont pas du tout intérêt. À nous d’exiger des responsables politiques qu’ils mettent fin au tout-jetable.

Le monde sans fin
Pour que la Terre reste un monde vivable pour les générations futures. #5/8 Dix points sur l’environnement Les risques liés à l’environnement sont divers et diversement répartis : pollutions, diminution de la biodiversité, épuisement des ressources naturelles, changements climatiques. En dix points, cet article montre pourquoi l’environnement est un

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