Le robot domestique qui prépare la conquête spatiale.

Le robot domestique qui prépare la conquête spatiale.
La gigantesque roue tournante imaginée par Stanley Kubrick dans 2001, l’Odyssée de l’espace pourrait, demain, être assemblée par des robots autonomes, directement à partir des matériaux extraits d’un astéroïde.
"2001, l'odyssée de l'espace" (réalisation : Stanley Kubrick, 1968) (Archives du 7e Art / Photo12 / AFP) © Metro Goldwyn Mayer

Il fut un temps où robots humanoïdes, colonies spatiales et automatisation des tâches domestiques n'étaient que des éléments de fiction. Dans les années 1960-1970, la science-fiction dessinait les contours d'un futur encore lointain, mais étrangement familier. Aujourd'hui, ces visions deviennent réalité. Face à des signaux toujours plus nets, il devient difficile de s'en tenir au seul cadre fictionnel : nous glissons vers une lecture prospective du réel.

Parmi ces catalyseurs de transformation, le robot Optimus développé par Tesla incarne une mutation industrielle, sociale et géopolitique. Présenté comme un produit grand public, Elon Musk le décrit déjà comme le futur compagnon de millions de foyers. (1)

Un automate pour les familles

Elon Musk n'avance pas masqué : il prévoit de fabriquer des milliers d'unités du robot Optimus avec un objectif de mise sur le marché dès la fin de l'année 2025. Il souhaite en faire un produit du quotidien, comme la voiture électrique. Musk envisage de produire Optimus à un coût unitaire de 10 000 dollars, et prévoit de le vendre entre 20 000 et 30 000 dollars, voire beaucoup moins à mesure que les volumes de production augmenteront. La production de masse permettra de réduire rapidement les coûts, rendant l'automate accessible à une large clientèle, bien au-delà des laboratoires et entreprises. Ce robot est conçu pour les familles, pas seulement pour les chercheurs.

Une nouvelle forme de relation humain-machine

Optimus dépasse l'outil : il révèle un glissement culturel et social. Il répond directement aux besoins des sociétés modernes, marquées par l’individualisme, la fatigue, la paresse et le désir de simplification. Ce robot s’adresse à nos besoins quotidiens : surveiller un enfant, aider une personne âgée, préparer un repas, plier du linge... autant de tâches que nous serions tentés de déléguer à une machine infatigable. Musk ne vend pas seulement un outil, il propose un soulagement : celui de pouvoir dire « ce n’est plus à moi de le faire ».

Cette logique installe une nouvelle forme de relation aux machines : la délégation du soin, de la présence et de l’attention humaine. L’automatisation ne touche plus seulement les processus industriels, elle s’immisce dans l’intimité même de nos existences. À terme, ce robot pourrait occuper une place fonctionnelle et affective, modifiant radicalement nos manières d’habiter et de prendre soin des autres. Une véritable "robotisation des relations", où l'enfant grandit sous le regard d'une IA et la personne âgée finit sa vie assistée par un automate dénué d'histoire et d'émotion.

Des minerais extraterrestres qui attirent

Optimus n’est pas qu’un produit domestique : il fait partie d’une stratégie industrielle et géopolitique plus large. En janvier 2025, Donald Trump a lancé le programme Stargate (2) pour renforcer l’avance technologique américaine dans l’IA appliquée aux environnements extrêmes, notamment l’espace et les astéroïdes métalliques riches en platine, osmium ou iridium (3). Ces métaux, d’une valeur colossale, sont un enjeu économique majeur pour les décennies à venir (4).

Pour intervenir dans ces environnements inédits et hostiles, il faut des robots capables d'autonomie, de réactivité et d'adaptation à la physique des environnements. Musk choisit d'entraîner ses IA à partir du chaos domestique : jouets au sol, animaux, déplacements imprévus deviennent une mine de données utiles à l'apprentissage d'un robot généraliste. Optimus apprend chez nous pour agir ailleurs, peut-être demain au-delà de la Terre.

Optimus sur le sol martien

Elon Musk a déclaré qu’il comptait envoyer, pour la première fois, le robot Optimus à bord de la fusée Starship lors d’un vol vers Mars en 2026. Il a écrit sur les réseaux sociaux : « Starship partira, espérons-le, pour Mars à la fin de l'année prochaine avec des robots explorateurs Optimus ! »

Musk a déclaré qu'un vol sans pilote serait suivi par des astronautes quelques années plus tard. « Le rythme des vols augmentera alors de manière exponentielle, avec l'objectif de construire une ville autonome d'ici une vingtaine d'années », a écrit Musk sur X, anciennement Twitter. « Être multiplanétaire augmentera considérablement l’espérance de vie probable de la conscience, car nous n’aurons plus tous nos œufs, littéralement et métaboliquement, sur une seule planète. »

Et si aller sur Mars n’était qu’un prétexte ? Une manière habile de masquer un autre objectif : l’implantation de data centers en orbite martienne (5), à l’abri des tensions géopolitiques, pour faire fonctionner des IA autonomes comme Optimus. Le but serait d’accélérer la conquête de nouveaux gisements miniers dans l’espace, loin des lois terrestres. Le robot domestique que nous installerons un jour dans nos maisons pourrait bien être la clé d’une stratégie d'expansion économique et industrielle à l'échelle interplanétaire. Le futur n’est plus à imaginer. Il reproduit déjà la marche humaine.