L'homme bicentenaire

L'homme bicentenaire
@ Touchstone Pictures

Comment les robots de science-fiction nous réapprennent notre humanité.

"L’homme bicentenaire" de Chris Columbus (1999) est un film singulier qui rappelle les valeurs essentielles que sont le respect, l’amitié, l’amour, la liberté, la curiosité et la créativité. Bien que son approche sage puisse laisser certains sur leur faim, il offre néanmoins une réflexion profonde sur ce qui fait de nous des êtres humains. Mais c'est aussi un excellent roman* de science-fiction écrit à quatre mains par deux des plus grands maîtres du genre. À travers le personnage d'Andrew, Isaac Asimov et Robert Silverberg nous poussent à nous demander si l'humanité est définie par notre biologie, notre conscience, nos émotions ou nos actions.

Suivant la mode de ce début de XXIe siècle, Richard Martin fait l'acquisition d'un tout nouveau robot domestique, le NDR-114, capable d'accomplir l'ensemble des tâches ménagères pénibles jadis dévolues aux êtres humains : cuisine, ménage, bricolage, surveillance des enfants. L'arrivée de cet intrus électronique est diversement appréciée par les Martin : tandis qu'Amanda, la cadette de la famille, voit en ce personnage mécanique un nouvel ami qu'elle surnomme immédiatement Andrew, sa sœur aînée, Grace, n'éprouve que de l'hostilité pour cet amas de ferraille. La mère, quant à elle, est inquiète mais finit par s'accommoder de sa présence. Plusieurs incidents conduisent la famille Martin à découvrir qu'Andrew n'est pas un robot tout à fait ordinaire...

Chris Columbus nous invite à suivre le parcours de ce robot à l’esprit cartésien, désireux de comprendre et d’intégrer le fonctionnement humain pour mieux servir la famille qui l’a accueilli. La trame narrative, finement tissée, examine le développement psychologique d’Andrew avec une subtilité remarquable, restituant avec précision chaque étape de sa transformation au cours desquelles il développe des émotions humaines, des aspirations et même un talent pour la sculpture et l'horlogerie.

Malgré l'humour présent tout au long du film, celui-ci aurait gagné à intégrer plus d'éléments fantaisistes pour dynamiser l'ensemble. Néanmoins, le traitement reste empreint de poésie, flirtant avec une magie mélancolique qui suscite compassion et émotions chez le spectateur, sans jamais sombrer dans l’excès larmoyant. Le ton, toujours juste, se reflète dans la qualité des dialogues et la profondeur des propos, un véritable exploit scénaristique.

L'intrigue suit l'évolution d'Andrew sur plus de deux cents ans, depuis son arrivée dans la famille Martin en tant que majordome jusqu'à sa lutte pour obtenir des droits légaux et être reconnu comme un être humain. Le récit est divisé en plusieurs parties, chacune reflétant une avancée significative dans la quête d'Andrew pour l'humanité.

La première partie du film relate son arrivée dans la famille et la découverte de ses capacités extraordinaires. Elle met l'accent sur la psychologie du père de famille, M. Martin, interprété par Sam Neill, qui décide rapidement de le traiter comme un être humain à part entière, contrairement à son épouse. Comme dans l'histoire de Pinocchio, un objet inanimé évolue vers une forme de vie et de conscience, et au fil du temps, Andrew devient de plus en plus touchant et humain.

Dans la deuxième partie, Andrew réussit à acquérir son autonomie financière grâce à son intelligence et son talent pour la sculpture, puis à gagner son indépendance. Il se bat constamment pour faire reconnaître ses droits en tant que robot doué de conscience, d'abord avec l'aide de la famille Martin, puis avec l'aide d'un cabinet d'avocats, mais toujours avec acharnement pour obtenir ce qu'il veut. Cependant, Andrew ressent le besoin de devenir humain.

Dans la dernière partie, après plusieurs opérations chirurgicales, Andrew change bel et bien d'apparence pour expérimenter la mortalité et comprendre pleinement ce que signifie être humain. L'androïde, qui ressemblait à la version masculine de Maria dans Métropolis, s'est transformé en un répliquant à la Blade Runner (mais en beaucoup plus gentil et souriant). Lors d'une ultime confrontation avec les institutions humaines, Andrew annonce préférer mourir en tant qu'être humain plutôt que de vivre pour l'éternité en tant que machine.

Robin Williams brille dans le rôle d’Andrew, maîtrisant la raideur mécanique de la machine tout en incarnant progressivement sa transformation vers des sensations humaines. Son jeu est époustouflant, tant sur le plan physique (une voix de moins en moins robotisée) qu’émotionnel (exprimer les émotions naissantes d'Andrew).

Alors qu'aujourd'hui certains cherchent à transformer les hommes en machines, cette fable narrant l’épopée d’un robot vers l’humanité fait du bien.


* Pour en savoir plus sur le roman :

"Co-écrit avec Isaac Asimov, Tout sauf un homme (1992) n'est certainement pas le chef-d'œuvre qu'on aurait pu légitimement espérer des deux maîtres. Reste que le roman traite d'une idée désormais classique en S-F, la conscience du robot, et qu'il sort tout droit de la tête de son inventeur. Tirée de la célèbre nouvelle d'Asimov « L'Homme bicentenaire » (1976), cette collaboration n'en est pas vraiment une, Silverberg ayant accepté de développer l'idée pour en faire un roman à part entière. Une habitude parfois fâcheuse qui conduit à des livres souvent poussifs et ennuyeux, là où la rapidité de la nouvelle faisait mouche. Mais si Tout sauf un homme est avant tout un Silverberg mineur, voire alimentaire, il n'en reste pas moins intéressant à plus d'un titre : thème classique de la S-F (voire cliché) et rencontre de deux mondes, celui d'un âge d'or finissant incarné par un Asimov vieux et malade à l'époque du livre, et celui d'une modernité largement émancipée qui prend quand même un certain plaisir à regarder derrière elle. Côté scénario, rien de bien surprenant, mais de l'efficace. NDR-113 est un robot serviteur comme il en existe tant dans cette société futuriste qui a remplacé la chair prolétaire par l'acier plus malléable. Sauf que ce robot fait de la sculpture et que ses dons sont extraordinaires. Sauf que ce robot est immédiatement baptisé Andrew par la petite fille du couple auquel il appartient. Sauf que ce robot est finalement plus humain que les humains, mais qu'il n'a pas d'existence propre selon la loi. On le voit, tous les ingrédients sont réunis pour traiter plusieurs questions fondamentales d'un seul coup. La différence, l'exclusion, le racisme, la bêtise, et... l'humanité. Histoire touchante, donc, simple et certes un peu lénifiante, mais plus profonde qu'il n'y paraît au premier abord. Car la petite fille grandit et voudrait qu'Andrew obtienne les mêmes droits que les êtres humains. Ce qui arrive forcément. Mais malgré toutes ces avancées sociologiques, Andrew reste fondamentalement un robot, un immortel et... tout sauf un homme. Évidemment classique dans sa forme comme dans son fond, Tout sauf un homme se révèle au final nettement plus triste que ne l'avaient sans doute prévu ses auteurs. On y assiste à l'agonie d'un monde finissant. Humanité, âge d'or, deux « histoires » parallèles réunies dans ce qui ressemble fort à un testament. Douce nostalgie, amertume et regrets, autant de sensations qui hantent le récit et approfondissent parfois ce qui aurait pu n'être qu'une innocente bluette, mais qui s'avère beaucoup plus intelligent qu'une simple « commande » rédigée par un grand professionnel de l'écriture." Patrick IMBERT Première parution : 1/1/2008 dans Bifrost 49 - Mise en ligne le : 12/6/2009 https://www.noosfere.org/livres/niourf.asp?numlivre=-1603601631

« Ce qui m'a attiré, c'est la manière dont l'histoire aborde l'intelligence artificielle et le comportement humain. Il y a des milliers de robots similaires à celui que j'incarne, mais celui-ci a quelque chose de spécial… une curiosité, une aptitude à la fascination. » Robin Williams